Dix ans en arrière, l’étiquette intelligente, utilisée à des fins marketing ou pour des raisons de traçabilité, était annoncée comme une révolution. Mais aujourd’hui, force est de constater que si le marché progresse chaque année, il n’explose pas pour autant. Raisons d’un développement contrarié.
D’une fonction historique centrée sur l’identification et l’information, l’étiquette a progressivement étendu son champ d’action. Elle remplit à présent des fonctions techniques, relatives à la logistique, à la sécurité ou au domaine réglementaire. L’étiquette revêt aussi des fonctions marketing, touchant à la différenciation ou à la création d’une expérience auprès des consommateurs. Mais bien qu’annoncée depuis des années comme une révolution susceptible de bouleverser le marché, l’étiquette « intelligente » connait un développement que l’on peut qualifier de timide, voire de décevant. Car au-delà de quelques initiatives médiatisées de grandes marques, à l’image de Décathlon et son usage de la RFID, ou Nutella et son opération misant sur des données variables, le bilan reste maigre.
TRAVAIL DE CONVICTION
Sur le plan technique, les fournisseurs d’adhésifs et les imprimeurs sont prêts. Mais les demandes n’affluent pas pour autant, donnant au segment du « smart label » des allures de serpent de mer. « Ce marché croît entre 5 et 10 % par an, mais le volume, qui reste limité, est facilement absorbé par des acteurs déjà experts dans le domaine depuis des années. Il n’y a pas besoin de nouveaux entrants », observe Pierre Forcade de l’UNFEA. Les donneurs d’ordre, qu’il s’agisse des marques ou des agences de communication, se laissent difficilement séduire par l’étiquette intelligente pour deux raisons essentielles : un manque de connaissance du produit et une force de persuasion peut-être insuffisante des équipes commerciales des imprimeurs. Un travail de fond doit donc être entrepris pour pousser l’usage des étiquettes intelligentes auprès de ces cibles. Les fabricants de solutions constituent des soutiens de poids sur le sujet. HP Indigo, par exemple, accompagne ses clients sur le terrain pour tenter de convaincre les donneurs d’ordre. « Si un imprimeur en exprime le besoin, nous sommes en capacité de construire un dossier complet relatif à un projet de données variables, comprenant des prototypes concrets d’étiquettes », précise Stéphane Delange.
FREINS MULTIPLES
A la décharge des donneurs d’ordre, l’étiquette intelligente représente parfois un processus lourd à mettre en place. L’exemple de la technologie RFID (Radio Frequency Identification) est particulièrement édifiant. « Elle revêt un intérêt certain pour la logistique et la gestion des stocks en magasins, pointe Guillaume Vétillart d’Alliance Étiquettes. Mais nous enregistrons peu de demandes sur le sujet, car la majorité des lieux de vente ne sont pas équipés. A date, le coût du déploiement freine tout velléité, en particulier dans la grande distribution. » Autre limite au développement de l’étiquette intelligente relative aux données variables : la gestion des informations. « La problématique principale est de trouver des prestataires capables de gérer les données en toute sécurité. Sans cela, le développement des produits sera compliqué », argue Régis Ruys de Konica Minolta. Les utilisateurs finaux ne sont pas les seuls à exprimer leur perplexité quant à la gestion des données, comme le confirme Axel Lamotte du Groupe AVEK : « Les données variables boostent indéniablement les ventes, mais cela avance doucement car les responsables marketing craignent de perdre la maîtrise avec l’introduction de l’intelligence artificielle qui pourrait choisir de pousser tel ou tel contenu. »
DES RAISONS D’Y CROIRE
L’apparition de nouvelles contraintes réglementaires pourrait cependant aider au développement du secteur. Comme avec cette nouvelle norme pour l’étiquetage des bouteilles de vin qui devrait normalement entrer en vigueur le 8 décembre 2023. À partir de cette date, les producteurs seront en effet obligés de préciser la liste de tous les ingrédients contenus dans leurs bouteilles de vin, ainsi que leur valeur calorique. De quoi rendre les étiquettes actuelles illisibles, à moins peut-être d’inciter à l’usage d’étiquettes connectées pour se conformer à la loi. Des domaines d’applications plus inattendus sont par ailleurs envisageables, selon Pierre Forcade : « Le potentiel le plus intéressant réside à mon avis dans le recyclage. Une étiquette intelligente peut délivrer divers éléments, sur la conception et la composition des produits, les moyens de collecte, la filière de recyclage à contacter, etc. En étant utile pour les industriels comme pour le consommateur final, cet usage revêt un caractère prometteur. »
Quand le vin verse dans les données variables
En fin d’année dernière, le groupe d’imprimeurs Inessens, via son entité Digit Labels, a mobilisé son expertise en données variables pour son client Pierre Vidal, un vigneron basé à Courthézon (84). Le challenge : imprimer sur un même rouleau l’ensemble des étiquettes d’une collection comprenant 12 visuels différents, propres aux signes astrologiques. « Nous avons intégré un responsable R&D au sein de nos équipes afin de pouvoir réaliser ce type de projets. En l’occurrence ici, Pierre Vidal souhaitait animer la sortie de sa collection Zodiaque avec des étiquettes spécifiques et ennoblies. Chaque illustration a bénéficié d’une dorure imprimée en numérique, autour des quatre éléments astrologiques : l’eau, l’air, le feu et la terre. La contre-étiquette a bénéficié quant à elle d’un QR code permettant de découvrir les traits caractéristiques de chaque signe », précise Christelle Dubois, la directrice marketing d’Inessens.
Source du visuel : Inessens.