Jean-François Curtil (Pdg – ExterionMedia)
Pour Jean-François Curtil, Pdg d’ExterionMedia France, acteur majeur de l’affichage, il est vital de se positionner sur des marchés à forte croissance, tout en conservant ses fondamentaux historiques de régie publicitaire. Le groupe français s’est donc fixé des objectifs élevés en matière de digital média et d’expérience client. Une démarche qui va encore s’accélérer grâce à sa récente intégration au sein du géant britannique Global, expert des médias et de l’entertainment.
Comment se porte aujourd’hui le marché de l’affichage extérieur (out-of-home) en France ?
C’est un secteur qui évolue favorablement, même si les différents segments connaissent des situations diverses. Il y a 20 ans, l’affichage extérieur consistait essentiellement en des panneaux 4×3. Aujourd’hui, le marché est composé à 30 % de panneaux 4×3, 30 % de mobilier urbain, 25 % de transports (gares, aéroports, métro) et le solde sur le shopping. En deux décennies s’est donc opérée une segmentation très forte de l’out-of-home (OOH), qui continue d’évoluer dans la ville de demain, plus « smart » et mobile. Dans le même temps, l’activité grand format a été secouée par une réglementation outrancière, au profit des univers indoor et transports.
Vous allez jusqu’à dire que le grand format fait l’objet d’une chasse aux sorcières. Avec quels impacts ?
Il s’agit d’un média injustement accusé de « pollution visuelle ». A titre d’exemple, la ville de Laval vient de mettre en place une nouvelle réglementation qui va entraîner 60 % de dépose. Or, l’OOH est très sollicité par les commerces locaux, il rapporte des taxes aux communes et crée de l’emploi. Il faut savoir que notre chiffre d’affaires est réalisé à 70 % avec ces enseignes locales. ExterionMedia est donc particulièrement exposé à la réglementation du grand format. Nous avons ainsi perdu 25 % de notre parc en cinq ans. C’est pourquoi nous investir d’autres terrains de jeu. Or, les contrats sur l’indoor et les transports sont signés pour dix ans. Nous sommes donc obligés d’attendre la fin de ces contrats pour challenger JCDecaux et Clear Channel sur ces territoires.
Quelles sont les solutions que vous envisagez en attendant ?
Nous avons opté pour deux axes stratégiques. Premièrement, une diversification de l’offre, en proposant des solutions d’affichage complémentaires avec du print, des impressions de booklets, de l’animation sur les points de vente, des solutions d’affichage parking et des solutions online (display, réseaux sociaux, SMS…). En trois ans, nous avons réussi à développer 10 % de notre chiffre d’affaires avec ce développement. Deuxièmement, nous avons cherché des innovations pour booster l’efficacité des campagnes d’affichage de nos clients.
« Le digital-out-of-home (DOOH), associé à l’internet mobile, délivre de l’instantanéité »
Quels sont les derniers développements en la matière ?
Nous avons d’abord travaillé sur une solution de pré-affichage avec Datakalab, une start-up française du secteur « Brain Tech », qui mesure l’émotion générée par des visuels grâce des outils issus des neurosciences et de l’intelligence artificielle (comme le facial coding et le predictive eye tracking). Nous avons couplé ces technologies à notre communauté web, Move & Shop Lab, qui comprend 4 000 membres. Ce qui nous permet de tester rapidement des campagnes, en 48 heures parfois, et de pouvoir ainsi conseiller l’annonceur vers le choix qui va engager le plus sa cible.
Nous avons aussi développé une solution post-achat, avec la start-up française Kairos Fire. Le but, cette fois, est de proposer à nos clients locaux et nationaux des offres exclusives pour mesurer et analyser le trafic dans leurs points de vente. Pour ce faire, la Kairos Fire a basé sa méthodologie sur l’installation de beacons (boîtiers émetteurs de signaux Bluetooth) à l’entrée des points de vente, mais également sur les panneaux OOH appartenant à ExterionMedia France. Avec ces émetteurs, Kairos capte les déplacements des individus et permet de définir, parmi plusieurs panneaux, celui qui sera le plus efficace pour générer du trafic dans le point de vente.
Vous prônez, au travers de vos offres, l’alliance de l’affichage digital extérieur (digital-out-of-home) et du print. Pourquoi ?
Nous sommes convaincus que le numérique, même s’il apparaît en tête d’affiche, ne tuera pas le print. Tout simplement parce que les deux ont une utilité différente et complémentaire. L’image permanente est la toile de fond, indispensable à maintenir dans l’esprit du public, tandis que le numérique donne la temporalité du message. Le digital-out-of-home (DOOH), associé à l’internet mobile, va ainsi délivrer de l’instantanéité.
En ce qui nous concerne, 30 % de notre activité mondiale repose aujourd’hui sur le digital et 70 % sur le print. Mais dans l’Hexagone, seulement 9 % de notre business est digital, car la France a loupé le virage du digital outdoor. La réglementation a rendu quasiment impossible la possibilité d’installer du digital dans la rue (sauf autorisation sur le domaine public). ExterionMedia a néanmoins réussi à installer ses « murs digitaux » sur le périphérique parisien et à générer la plus forte audience du secteur digital outdoor français. C’est un premier pas dans notre stratégie de différenciation. Nous cherchons, en effet, à nous imposer comme un expert média de la mobilité, au service des marques.
Comment envisagez-vous l’avenir de la communication extérieure ?
Cela fait 30 ans que j’entends dire que le média affichage est mort. Or, il est toujours présent et il ne fait pas de la figuration, bien au contraire. Pour preuves, selon les données de l’IREP (Institut de Recherches et d’Etudes Publicitaires), les recettes en valeur nette de la publicité extérieure sont restées stables entre 2005 et 2018, passant même de 1,08 à 1,24 milliards d’euros, alors que dans le même temps, celles de la radio ont diminué, de 800 à 700 millions d’euros. Et ne parlons pas des revenus de la presse, qui eux, ont chuté drastiquement, de 4,75 à 2,17 milliards d’euros.
De plus, l’affichage est un média de proximité, qui « parle » aux gens et qui s’exprime en milieu urbain. Or, la population ne cesse de s’urbaniser (62 % en 1960, 80 % en 2016)* et le temps passé hors domicile explose**, passant de 5h43 en 1999 à 7h45 aujourd’hui ! Par conséquent, la communication extérieure apparaît comme un média tendance, en phase avec les besoins d’aujourd’hui. Cerise sur le gâteau, c’est aussi le média qui affiche le coût contact le plus faible.
*Source : 2009, Revision of World Urbanization Prospects (United Nations) ; Villes du futur, futur des villes, quel avenir pour les villes du monde ? (Sénat)
**Source : Insee, enquêtes nationales transports et communications & transports et déplacements.
BIO
Jean-François Curtil a fait toute sa carrière dans le secteur de l’affichage extérieur. Après avoir débuté et gravi les échelons au sein de la société Avenir, il rejoint, en 1999, le groupe JCDecaux, en tant que directeur du réseau Patrimoine. Nommé directeur du Produit et de la Gestion des offres chez JCDecaux en 2011, il rejoint ensuite, en 2013, le groupe CBS Outdoor, où il prend en charge la direction générale Patrimoine et Opérations. Un an plus tard, CBS Outdoor devient ExterionMedia et Jean-François Curtil est nommé Pdg.
EXTERION MEDIA, LEADER SUR LES MARCHÉS LOCAUX
- Filiale du groupe britannique Global depuis 2018 (1,038 milliard d’euros de chiffre d’affaires)
- Chiffre d’affaires 2018 : 104 millions d’euros
- Nombre de collaborateurs : 360
- Parts de marché sur les villes de moins de 100 000 habitants : 25 %
- Plus de 800 agglomérations couvertes
- Offre à Paris : 2 000 faces et 28 écrans digitaux grand format sur le périphérique
- Offre digitale : 52 écrans au Marché d’intérêt national de Rungis et 31 écrans digitaux en province
- Commercialisation : 47 000 espaces publicitaires en France et plus de 120 millions d’impressions en ligne
- Nombre d’annonceurs : 9 000
- Nombre de bailleurs : 10 400
- Mobilier urbain : 700 concessions en France
©ExterionMedia
L’affichage extérieur grand format représente la plus grosse partie de l’activité d’ExterionMedia, leader sur les marchés locaux. Le groupe possède d’ailleurs 25 % des parts de marché sur les villes de moins de 100 000 habitants.
©ExterionMedia
Avec ses « murs digitaux » installés sur le périphérique parisien, ExterionMedia génère la plus forte audience du secteur digital outdoor français.