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    L’affichage en mouvement, une affaire qui roule

    Durement frappée par la crise sanitaire et soumise à une pression réglementaire croissante, la publicité extérieure tente de se refaire une santé. Dans ce contexte tendu, toutes les nouvelles initiatives sont les bienvenues. L’affichage en mouvement, un segment aux allures de street marketing 2.0, encore limité en termes de volume, mais prometteur à bien des égards, a ainsi émergé au cours des derniers mois, sous l’impulsion de nouvelles régies publicitaires, montées en mode start-up et dopées à la tech. Impliquant le covering de véhicules divers et un suivi ultra précis des campagnes de communication, le MOOH (Mobile Out Of Home) attire aujourd’hui des annonceurs prestigieux, séduits par un média offrant transparence, efficacité et originalité. De quoi faire frémir les opérateurs historiques de l’affichage ?

    Local is the new cool. Dans un monde de plus en plus globalisé, l’ancrage territorial est devenu une valeur cardinale pour un nombre croissant de Français. Alimentation, habillement, loisirs : la transition vers plus de consommation locale, accélérée par la crise sanitaire, a essaimé dans la plupart des postes de dépenses des ménages. Le monde de la communication et de la publicité s’adapte à cette nouvelle donne. Parmi les initiatives récemment lancées par le secteur, une association, baptisée les Relocalisateurs, rassemble ainsi des régies publicitaires de médias de tous horizons (presse, télévision, radio, publicité extérieure) et des agences conseil en achats médias, afin de promouvoir les campagnes locales dans les stratégies de communication des annonceurs. Une façon, aussi, de renforcer l’écosystème médias français dans son ensemble.  

    Média de proximité par essence, touchant les consommateurs au quotidien dans l’espace public, 24h/24 et 7 jours/7, l’affichage a particulièrement souffert durant l’épisode du Covid. Mais la reprise de la filière est depuis vigoureuse, avec des recettes publicitaires en hausse de 14,8 % en 2022 versus l’année précédente, selon le baromètre BUMP. « Le rebond est très net, malgré le durcissement de la réglementation, atteste Stéphane Dottelonde, délégué général de l’Union de la Publicité Extérieure. Et cette tendance positive se confirme sur 2023. Nous devrions donc conclure l’année sur une nouvelle progression. »   

    Dans ce contexte favorable, de nouvelles régies publicitaires, telles qu’Adriver, Rainbooh et Quadriplay, émergent sur le marché en investissant un segment bien particulier : l’affichage en mouvement. Également appelé MOOH (Mobile Out Of Home), il se définit comme une offre publicitaire dans laquelle les supports de communication sont des véhicules circulant, pour la plupart, en milieu urbain. Des bus, des taxis, des VTC, ou encore des vélos en libre-service, habillés aux couleurs d’un annonceur, font partie du panel offert par l’affichage itinérant.

    Si ce type de dispositif de communication n’est pas nouveau sur les bus – la régie Médiatransports le propose depuis de nombreuses années -, il connaît toutefois un nouvel essor en s’ouvrant à d’autres véhicules, comme le confirme Diariata Anne, directrice OOH de l’agence conseil en achats médias IPG Mediabrands : « Au sortir de la crise sanitaire, les grandes marques souhaitaient faire appel à des dispositifs différenciants, afin de sortir du lot. L’affichage sur les taxis et les VTC, qui apporte une incontestable évènementialisation aux campagnes publicitaires, répond parfaitement à cette attente. »

    ALTERNATIVE CRÉDIBLE

    Dans un contexte tendu, où la pression sur l’affichage publicitaire s’intensifie, pour les dispositifs digitaux comme pour les traditionnelles affiches en 4×3, en particulier dans les zones urbaines, le MOOH représente une alternative intéressante pour les annonceurs. Avec un inventaire réduit, les plans de communication locale sont de plus en plus difficiles à construire et les prix des panneaux publicitaires augmentent. Une opportunité pour le développement de l’affichage itinérant, dont le cadre réglementaire est simple : l’activité principale des véhicules impliqués dans les campagnes doit être le transport de personnes – la publicité devant rester accessoire.  

    Conscients de leurs atouts, mais aussi des limites de l’exercice, les nouveaux opérateurs de la publicité extérieure jouent la carte de l’humilité face aux acteurs historiques. « Notre offre est complémentaire à l’affichage traditionnel, en particulier pour les grands annonceurs nationaux, avance Christophe Gougeon, dirigeant de Rainbooh, une régie MOOH apparue en 2020. Un mix média entre une publicité dans le métro parisien pendant une semaine, couplée à un mois d’affichage sur des taxis ou des VTC, apporte des résultats probants. » Pour les annonceurs de moindre ampleur, au budget réduit, le MOOH agit toutefois plus en remplacement de la publicité extérieure classique.

    A l’image de Rainbooh et Adriver, les régies spécialistes de l’affichage mobile ne possèdent pas de véhicules en propre. Elles collaborent avec des chauffeurs indépendants et des sociétés de transport, en leur versant une redevance lorsqu’ils sont engagés dans une campagne de communication. Rainbooh, qui revendique un pool de 2 500 taxis et VTC circulant dans les dix plus grandes villes françaises, se distingue par l’usage exclusif de véhicules électriques ou hybrides. Avec ce positionnement, la régie agit comme un facilitateur de la transition des chauffeurs vers des véhicules plus respectueux de l’environnement.

    La jeune entreprise suit la même politique responsable pour le covering de ses véhicules, en faisant appel à des imprimeurs et des poseurs engagés dans une solide démarche RSE. Et à l’issue de chaque campagne, la société revalorise l’intégralité des adhésifs utilisés. « Nous sommes accompagnés par le cabinet de conseil R3, spécialiste de la transition environnementale, afin d’agir en conscience sur tous les plans, du sourcing des adhésifs aux encres utilisées pour l’impression », précise Christophe Gougeon. Quant à Adriver et ses 5 000 véhicules sur les routes françaises, la régie parisienne développe des partenariats avec des imprimeurs et des poseurs au niveau local, dans le but de minimiser son impact carbone et de partager la valeur au sein des territoires ciblés par les actions de communication.  

    BRIQUE TECHNOLOGIQUE

    Montées en mode start-up, les nouvelles entreprises de l’affichage injectent une bonne dose de technologie dans leur activité, du recrutement des chauffeurs au bilan des campagnes de communication. Chez Rainbooh, un tiers des collaborateurs travaillent sur des problématiques technologiques. L’équipe a notamment développé une application pour les chauffeurs, en appliquant les codes du VTC à la publicité : lorsqu’une campagne est lancée dans une ville, elle est partagée dans l’application, permettant ainsi aux chauffeurs qui le souhaitent d’y postuler. La sélection de la flotte des véhicules retenus se fait ensuite en fonction des critères de ciblage attendus par l’annonceur.

    La data transforme aussi la manière d’appréhender les campagnes de communication. Elle permet d’optimiser le ciblage des campagnes publicitaires, de mesurer les performances d’un dispositif et d’assurer un ROI tangible aux annonceurs. Adriver a conçu un système de modélisation des comportements de mobilité des populations, notamment sur la base de données INSEE, pour identifier les motifs de déplacement et leur fréquence. Ces données, couplées à celles des trackers GPS des véhicules partenaires, permettent de suivre en direct la diffusion des campagnes, à la manière des campagnes digitales.

    « Nous allions l’atout essentiel de l’affichage extérieur, une publicité à laquelle on est forcément exposé dans l’espace public, avec une mesure précise de l’audience de chaque campagne », souligne Hadrien de La Tour, le fondateur d’Adriver.Si la régie n’atteint pas les objectifs d’audience en fin de campagne, l’entreprise la poursuit à ses frais pour y parvenir. L’audience est donc garantie et le ROI de chaque campagne est assuré. Un argument de poids pour les annonceurs.

    En termes de secteurs d’activité, les acteurs de la livraison rapide, tels que Deliveroo et Gorillas, vus chez Rainbooh, sont friands de ce type de campagnes en mouvement. Le monde du tourisme, de la culture et du luxe également. Les marques de ce dernier univers se tournent notamment vers les véhicules atypiques proposés par Adriver et son partenaire CaoCao, des « black cabs » londoniens pouvant être intégralement personnalisés aux couleurs d’un annonceur. Burberry, pour le lancement de son flagship parisien, et Dior, sur le dernier Festival de Cannes, ont fait appel à ces véhicules.

    L’affichage en mouvement n’est toutefois pas réservé aux grands noms. D’ici fin 2023, Adriver lancera une offre spécifique permettant aux entreprises de taille intermédiaire de communiquer sur leur zone de chalandise, en soumettant leurs demandes aux chauffeurs sur une application partagée.

    MONTÉE EN RÉGIME

    Le MOOH, encore en phase de structuration, pourrait prendre une importance stratégique lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, qui se tiendront du 26 juillet au 11 août. « Le potentiel de ce média est intéressant dans le contexte extraordinaire des JO, car il existera probablement une pénurie d’offre en affichage traditionnel, explique Diariata Anne d’IPG Mediabrands. Les budgets de communication des annonceurs devraient donc se reporter sur l’affichage en mouvement, qui leur apportera une certaine puissance et de l’originalité dans les grandes villes. »

    Cette montée en régime du MOOH, qui s’accompagne de l’émergence de nouvelles régies spécialistes au niveau local, peut-elle inquiéter les opérateurs historiques de la publicité extérieure ? Pas encore, car ce média reste aujourd’hui marginal dans les plans de communication des annonceurs. « L’arrivée de ces nouveaux acteurs n’a pas eu d’impact sur notre chiffre d’affaires, affirme une responsable officiant dans l’affichage traditionnel. Nous suivons leur évolution avec attention, mais cela reste aujourd’hui un média émergent, car l’impact de leurs dispositifs est encore limité en termes d’audience. »

    Deux mouvements récents, d’une portée significative, attestent de l’intérêt porté au MOOH par les acteurs historiques. JCDecaux, leader mondial de l’affichage, a ainsi noué un partenariat exclusif avec Quadriplay pour la commercialisation de leurs offres de covering taxi et VTC, dès juin 2021. Et il faut reconnaître qu’Adriver a frappé fort en recrutant Jean-François Curtil, ex-dirigeant d’Exterion Media, au printemps dernier, pour occuper un poste de secrétaire général. Des signaux forts prouvant que l’affichage en mouvement devrait s’installer durablement dans le paysage publicitaire français.


    Adriver et Terres Rouges, spécialiste de l’affichage XXL, réunis dans LaTour Media Group

    « Il existe une grande complémentarité entre la mobilité et l’affichage monumental. Nous avons donc racheté Terres Rouges en mars 2023, afin de renforcer l’offre d’Adriver avec le format grande toile. En intégrant l’expertise technique et artistique hors du commun de Terres Rouges, nous passons un cap important dans notre développement », explique Hadrien de La Tour, dirigeant de l’entité nouvellement créée LaTour Media Group, qui rassemble Adriver, Terres Rouges et Seiki (solutions data). Une première opération collaborative a été dévoilée cet été, dans le cadre de la rénovation de la façade de l’Hôtel Garsaulan, à Paris, impliquant l’installation d’une toile de 136 m2 et la circulation de véhicules haut de gamme dans l’ouest parisien.

    Source des visuels : Rainbooh, Adriver.

    Détenteur d’un MBA en Management stratégique (Université Laval, Canada) et d’une Maîtrise de gestion (Paris IX Dauphine), Bertrand Genevi possède dix ans d’expérience dans les médias (L’Express, 20 Minutes) et en agence de communication (Hopscotch).