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Affichage : Levi’s communique-t-il (ir)responsable ?

Au mois de novembre, la marque de prêt-à-porter Levi’s a mis en place une campagne d’affichage à Paris, composée notamment d’une toile de 350 m2 habillant le chantier de rénovation de l’Église de la Trinité. Sa particularité : des propriétés dépolluantes qui lui permettent d’absorber les émissions des véhicules passant sous la toile. Mais l’opération, qui ne fait pas l’unanimité, est-elle aussi responsable qu’elle le prétend ?

À l’heure de la COP26, qui s’est déroulée du 1er au 12 novembre à Glasgow, la marque de prêt-à-porter Levi’s a souhaité afficher, de manière concrète et en grand format, son engagement vis-à-vis de la planète en mettant en scène une opération de communication responsable. Accompagnée par l’agence OMD et la société JCDecaux, Levi’s a donc installé, du 3 au 30 novembre sur l’Église de la Trinité à Paris, une toile monumentale de 350 m2 pour habiller le chantier de rénovation de l’édifice (participant ainsi au financement des travaux). Particularité de cet affichage grand format : des propriétés dépolluantes !

Sourcée par les équipes de JCDecaux, la toile utilise la technologie The Breath, mise au point par la start-up industrielle italienne Anemotech. Composée d’une maille de carbone intégrée entre deux couches imprimables et bactéricides, la toile développée par l’entreprise milanaise permettrait d’absorber les particules fines nocives présentes dans l’air, puis de les désagréger, pour ensuite restituer un air propre. Anemotech destine ainsi son support innovant aux marchés de l’affichage et de la signalétique. Utilisée pour la première fois, dans le cadre d’un affichage grand format, à Milan, The Breath aurait permis, selon les calculs de la société italienne, d’absorber en un mois les émissions d’environ 2000 véhicules passant à l’aplomb du dispositif.

LA RECYCLABILITÉ EN QUESTION

À première vue, l’opération, abondamment relayée, coche donc toutes les cases. Pourtant, des voix s’élèvent pour remettre en perspective le storytelling de la marque textile, notamment en ce qui concerne le choix du matériau. C’est notamment le cas d’Olivier Girardot, fondateur de l’agence de scénographie urbaine et communication outdoor Terres Rouges : « Nous avons étudié cette solution il y a quelques mois, avant d’abandonner. En effet, d’une part le support est classé M2 en termes de législation des normes non-feu (combustible, mais difficilement inflammable, selon la classification de l’inflammabilité des matériaux, ndlr). Or, les Pompiers de Paris demandent des produits M1 en façade. Ce produit ne devrait donc pas, en l’état, être installé en extérieur en France. Deuxièmement, le produit n’est pas recyclable actuellement. La seule solution pour s’en débarrasser consiste à le brûler, donc de relâcher les polluants dans une forme, a priori, encore plus nocive ». Outre son classement au feu, ce sont donc bien les caractéristiques durables et éco-responsables du produit sur toute sa durée de vie qui sont mises en question, au-delà de ses qualités intrinsèques.

S’INSPIRER DE LA NATURE

Alors greenwashing ? Le calendrier – en résonance avec la COP26 – et l’absence d’analyse du cycle de vie du produit ne plaident pas en faveur de la marque. Pourtant, l’opération ne reposait pas uniquement sur cette toile grand format. Levi’s et l’agence OMD ont également équipés six abribus (avec un affichage de la marque) d’un tapis de mousse végétale captant et absorbant les polluants. Un dispositif inspiré de l’abribus Filtreo, conçu par JCDecaux. « Résistante et dépourvue de racines, la mousse se nourrit des particules dans l’air pour se développer naturellement et durablement. Ce dispositif est complété par une ventilation intégrée à la toiture de l’abri, qui aspire l’air au travers de la couche végétale et le diffuse vers les usagers sous l’abribus. Avec un système de pilotage intelligent, les ventilateurs se déclenchent en cas de pic de pollution. Ces ventilateurs basse consommation peuvent être alimentés par énergie solaire », explique le constructeur de mobilier urbain. Utiliser une matière organique abondante d’un côté et un matériau innovant mais non recyclable de l’autre : Levi’s n’avait pas tout faux. Ne reste plus qu’à recouvrir l’Église de la Trinité de mousse végétale…

© JC Decaux

Journaliste spécialisé dans le domaine des industries graphiques, Florent Zucca est rédacteur en chef du magazine IC LE MAG / Industries Créatives, où il analyse les opérations de personnalisation menées par les marques en matière de retail, de packaging, de décoration et de communication. Diplômé de l’ISCPA Lyon (Institut Supérieur de la Communication, de la Presse et de l’Audiovisuel), il a auparavant travaillé, pendant près de dix ans, dans la presse économique.