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    Les couleurs invisibles de Jean-Gabriel Causse, notre livre coup de coeur de l’été

    Déjà auteur de trois ouvrages remarqués, le designer couleur Jean-Gabriel Causse a récemment publié, chez Flammarion, un nouveau roman intitulé Les Couleurs invisibles. Un livre foisonnant, navigant au gré des humeurs de la mer, et qui se montre tour à tour piquant, mélancolique, ou touchant. En somme, une véritable odyssée, qui en fait peut-être un peu plus qu’un livre estival. Entretien avec son auteur.

    L’action de votre nouveau livre se déroule essentiellement en mer. C’est un lieu qui possède un grand pouvoir d’évocation des couleurs à vos yeux ?

    L’ordre des choses veut que la mer soit bleu « marine », précisément. Mais il s’agit là d’une vision très limitée de ce qu’elle a à offrir en termes de couleurs. Car lorsqu’on est en mer, à bord d’un voilier, nous avons toute latitude pour prendre le temps de l’observer en détail. Et on se rend compte, au fil des journées et des nuits, qu’il existe bien plus de nuances et de contrastes que ce qu’il n’y paraît. La navigation offre un spectacle permanent. En définitive, la mer constitue un exercice idéal pour prendre le temps d’apprécier la subtilité des couleurs.

    Vous naviguez régulièrement ?

    Je possède actuellement un voilier avec lequel je suis en mesure de faire le tour du monde, mais ce n’est pas celui-ci dont je parle dans Les Couleurs invisibles. Le voilier que j’évoque, Loryma, m’a permis de traverser l’Atlantique par deux fois. Mais si partir au loin est devenu un prétexte pour écrire, j’ai tout de même pris trois ans pour savoir quoi raconter de cette expérience. Car il existe déjà des dizaines de récits de navigateurs qui sont formidablement bien écrits. J’ai pour ma part simplement utilisé le contexte maritime pour donner à réfléchir sur la vie après la mort et sur les illusions qui nous bercent, au quotidien.Les Couleurs invisibles s’apparente finalement plus à un voyage initiatique qu’à de la littérature pure et dure.

    La synesthésie, ce phénomène neurologique par lequel plusieurs sens sont associés, occupe une place centrale dans le livre. Est-ce un don que vous possédez ?

    Non, mais j’aurais beaucoup aimé ! Cela permet de percevoir tout son environnement de manière plus sensible. Mon narrateur, en qualité de synesthète, est ainsi en mesure de qualifier précisément la voix de sa femme. Il parle d’une « couleur abricot ». La synesthésie apporte donc son lot de poésie au quotidien. Et elle n’est pas si rare, car 2 % des gens sont synesthètes. Le peintre Wassily Kandinsky l’était, et il percevait donc les sons en couleurs. Mais d’autres formes de synesthésies existent. Les plus illustres mathématiciens, par exemple, voient les chiffres en couleurs, et il a été prouvé que cela leur permettait de calculer bien plus vite que le commun des mortels.

    Pourquoi avez-vous choisi ce titre, Les Couleurs invisibles ?

    Dans le spectre des couleurs, il existe de nombreuses dimensions qu’on ne voit pas, en tant qu’être humain. Certains insectes distinguent bien plus de couleurs que nous. Et au-delà de cela, j’aime l’idée d’invisibilité dans le sens de sensations que l’on ne perçoit pas immédiatement, mais qui peuvent être appréhendées quand on prend vraiment le temps de regarder, en étant dans l’instant et écoutant ses sens. Comme en mer.

    Pourquoi évoquer le pouvoir des couleurs via un roman plutôt qu’un livre académique ?

    J’ai déjà écrit un essai, L’Étonnant Pouvoir des couleurs, qui tente de vulgariser les influences des couleurs, avec l’appui de divers travaux universitaires et scientifiques. Une fois que cet ouvrage est paru, en 2014, le format du roman m’a semblé une suite logique. Et ce qui m’intéresse dans la couleur, c’est qu’on ne voit pas. Quand on observe un rouge, on ne se rend pas compte à quel point la couleur agit tel un feu d’artifice dans notre cerveau. Le roman m’autorise à verbaliser cela.  

    Quel parallèle faites-vous entre le métier d’écrivain et celui de designer couleur ?

    L’un nourrit l’autre. Je suis un meilleur designer grâce à l’écriture et je suis un meilleur écrivain grâce au design. Car avec ces deux activités, je côtoie des gens d’horizons différents, des modes de pensée divers et des problématiques variées. Ce sont deux casquettes qui peuvent sembler assez éloignées de prime abord, mais de mon point de vue, elles sont complémentaires, et surtout fondamentales, l’une comme l’autre. Je n’arriverais pas à écrire si je n’étais pas designer.

    Quels sont vos projets pour la rentrée ?

    Mon essaiL’Étonnant Pouvoir des couleurs sera réédité en beau livre, en octobre prochain. Il sera agrémenté d’illustrations, dans un feu d’artifice de couleurs. Pas une page blanche ne subsistera ! J’ai également deux nouveaux livres en préparation. Et côté design, je travaille sur un projet de décoration pour LVMH. Sans publier mon activité au Comité Français de la Couleur.

    Les couleurs invisibles, Jean-Gabriel Causse, 2022 (Flammarion)

    Crédit photos : Félicien Delorme pour Flammarion.

    Détenteur d’un MBA en Management stratégique (Université Laval, Canada) et d’une Maîtrise de gestion (Paris IX Dauphine), Bertrand Genevi possède dix ans d’expérience dans les médias (L’Express, 20 Minutes) et en agence de communication (Hopscotch).