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Ikea, Google, Amazon… je print, moi non plus !

Coup de tonnerre dans le monde de la communication imprimée : Ikea vient d’annoncer l’arrêt de son célèbre catalogue papier ! Édité depuis 70 ans, tiré à plus de 200 millions d’exemplaires et publié en 32 langues dans plus de 50 pays, le catalogue du géant suédois, véritable bible des temps modernes, était l’un des supports imprimés les plus diffusés au monde. Mais dans le même temps – comble de l’ironie – les mastodontes du digital, Google et Amazon en tête, prennent le contrepied d’Ikea et réinvestissent les médias imprimés, en publiant catalogues et magazines, sur des volumes parfois très conséquents. Deux visions qui interrogent sur la place du print dans le mix de communication des marques.

 

 

 

La nouvelle a fait le tour du monde en quelques clics. Le 7 décembre dernier, Ikea a annoncé l’arrêt définitif de son célèbre catalogue papier, après 70 ans d’existence. Une véritable bombe, tant l’ouvrage du géant de l’ameublement était devenu, au fil des ans, le maître-étalon de la communication imprimée, avec ses chiffres hors-normes qui en ont fait l’un des supports print le plus diffusés au monde : plus de 200 millions d’exemplaires, 32 langues, 69 versions et une présence dans quelque 53 pays du globe ! « La consommation de médias et les comportements d’achats des clients ont changé. Ikea accroît déjà ses investissements digitaux, tandis que les volumes et l’intérêt pour le catalogue ont baissé », justifie Konrad Grüss, directeur général d’Inter IKEA Systems, le franchiseur du groupe, qui indique néanmoins vouloir publier, à l’automne 2021, un livre de décoration en « hommage » à son défunt catalogue et qui serait distribué dans les magasins de l’enseigne.

 

Une logistique monumentale

 

Si Konrad Grüss assure qu’il ne s’agit pas là d’une décision économique, la décision interpelle, notamment au regard des moyens jusqu’ici alloués par Ikea à la production de sa « bible », qui cannibalisait près de 50 % du budget marketing de l’enseigne ! Il faut dire que la démonstration de force était colossale. Le groupe déployait chaque année une armée de décorateurs aux quatre coins du monde afin de saisir les spécificités culturelles et les tendances propres à chaque pays où le catalogue serait distribué, afin d’en adapter le contenu.

Puis tout était soigneusement mis en scène dans le monumental studio de 9000 m2 du groupe, installé dans la petite ville suédoise d’Älmhult, berceau historique d’Ikea. Des milliers de prises de vue étaient alors réalisées pour immortaliser tous les décors sensés inspirer ensuite les clients français, américains, japonais, etc. en fonction des observations des décorateurs « maison ». Pour l’impression, l’enseigne d’ameublement faisait appel à plus de 30 prestataires différents, capables de produire cet ouvrage comptant en moyenne de 300 à 400 pages ! Sans compter l’acheminement dans chaque pays, puis la distribution en boîtes aux lettres.

 

Une stratégie en question

 

Économiser de telles ressources dans le contexte économique actuel serait compréhensible. Pourtant, le groupe suédois, dont les ventes en ligne ont bondi de 45 % l’an passé, assure vouloir réinvestir le budget ainsi épargné dans d’autres canaux, et accélérer une digitalisation entamée qui passe désormais en marche forcée. Abandonner son principal support de communication imprimée au profit d’une présence digitale accrue pose néanmoins question. En France, dès le milieu des années 2010, des leaders de la vente à distance comme les 3 Suisses ou la Camif sont rapidement revenus sur leur décision d’arrêter le papier pour passer au tout digital, en renouant le lien avec leurs clients grâce à des catalogues allégés et connectés. Or, aujourd’hui, les bénéfices des technologies d’impression numérique – personnalisation, ennoblissement – combinés à un écosystème de plus en plus mature en matière d’imprimé connecté (incarné, en France, par la société ARgo), offrent aux marques tout un panel de solutions pertinentes et efficaces pour proposer des supports imprimés intelligents et à forte valeur ajoutée.

 

Quand les GAFAM passent au print

 

D’un autre côté, l’argument écologique régulièrement avancé pour justifier l’arrêt du print est aujourd’hui battu en brèche. L’impact environnemental du digital – peu questionné jusqu’ici – fait de plus en plus l’actualité, quand la filière papier a depuis longtemps fait son aggiornamento sur le sujet et pourrait faire office d’exemple pour de nombreuses industries. Certains géants du digital ont bien saisi ces enjeux et – ironie du sort – découvrent les vertus du print en investissant dans la production à fort tirage de médias imprimés comme des magazines ou… des catalogues.

 

 

© Amazon

 

 

 

 

C’est notamment le cas d’Amazon qui, depuis trois ans maintenant, édite, imprime et distribue en boîte aux lettres (ainsi que dans ses Amazon Bookstores et quelques retailers partenaires) des millions d’exemplaires de son catalogue de Noël sur le territoire américain. Un ouvrage de 92 pages (dont la livrée 2020 est parue fin octobre), connecté à la plateforme de vente en ligne grâce à des QR Codes, qui propose un condensé des produits phares des plus grandes marques de jouets disponibles sur la plateforme, mais également des pages plus ludiques pour toute la famille (recettes, jeux, activités).

C’est également le cas de Google France. Depuis un an, la filiale française du géant américain édite la revue Azerty, un magazine dédié à la vie numérique et la technologie, qui « allie approche pédagogique et contenu expert centré sur l’humain et les implications du digital dans nos quotidiens », selon les mots de l’agence TBWA/Corporate, qui accompagne Google dans la réalisation de l’ouvrage. Azerty, qui vient de publier son troisième numéro, est distribué en tant que supplément par une dizaine de titres de presse : Le Point, M le Mag, L’Obs, L’Opinion, Les Échos, Le Parisien, Le Figaro Mag, Courrier International, L’Express et le JDD. Cet été, le deuxième numéro d’Azerty a même été édité à 1,6 million d’exemplaires !

Connecté et répondant à un double objectif commercial et de relation client chez Amazon, premium et répondant à double objectif d’information et d’affirmation de sa position d’expert chez Google : les supports imprimés s’invitent avec force chez les Gafam. Une tendance qui, s’il en était besoin, (re)légitime le print dans le mix de communication des marques. CØFD.

 

 

  © Google

 

 

 

 

 

Photo de Une © Ikea

Journaliste spécialisé dans le domaine des industries graphiques, Florent Zucca est rédacteur en chef du magazine IC LE MAG / Industries Créatives, où il analyse les opérations de personnalisation menées par les marques en matière de retail, de packaging, de décoration et de communication. Diplômé de l’ISCPA Lyon (Institut Supérieur de la Communication, de la Presse et de l’Audiovisuel), il a auparavant travaillé, pendant près de dix ans, dans la presse économique.