Paper Bottle, étui seconde peau… : 6 initiatives à la loupe
Faire évoluer la conception de ses emballages pour diminuer son impact sur l’environnement et conserver sa place dans le cœur des consommateurs : les marques sont aujourd’hui à pied d’œuvre. En considérant l’ensemble du cycle de vie d’un packaging, force est de constater que plusieurs voies peuvent être explorées. Exemples.
#1
PAPER BOTTLE
Une communauté de pionniers
Le développement de la Paper Bottle a démarré en 2015, porté par la société danoise PABOCO, joint-venture créée par BillerudKorsnäs, fabricant de packagings en papier et carton, et Alpla, spécialiste de la fabrication de bouteilles. Pour cette aventure inédite, ils se sont entourés de quatre marques internationales majeures, mais non concurrentes : Carlsberg, L’Oréal, The Absolut Company (groupe Pernod Ricard) et Coca-Cola Europe.
Carlsberg avait été la première à communiquer. Peu à peu, les autres marques de la Paper Bottle Community sortent elles aussi du bois, pour dévoiler leur participation à ce projet de « première bouteille au monde en papier et 100 % recyclable ». « Dès l’origine, nous avions décidé de proposer aux marques une sorte de “bus ticket” : venez avec nous dans ce voyage et avançons ensemble ! Il était primordial de les intégrer, car ce sont eux qui ont les outils de production et sont en contact avec le consommateur final. Nous avons besoin de leur expertise pour ne pas créer une innovation qui soit déconnectée de la réalité », raconte Christophe Delrive, business development director EUM Cartonboard chez BillerudKorsnäs. Le fait que les entreprises ne soient pas concurrentes a permis de créer une véritable communauté et, à travers elle, de les faire se rencontrer. « Chacun expose ses attentes et ses contraintes, qui ne sont évidemment pas toujours les mêmes, et cela crée une saine émulation ».
UNE MISE SUR LE MARCHÉ PRÉVUE EN 2021
La Paper Bottle, dont les premiers prototypes pour Carlsberg ont été dévoilés fin 2019, est composée principalement de fibres de bois. Issue de plusieurs années de R&D, cette bouteille n’est pas totalement exempte de plastique, puisqu’un film barrière en PET reste nécessaire pour protéger le contenu. « Pour la première génération, nous utilisons une préforme en PET recyclé, mais des alternatives sont déjà à l’étude pour s’en passer et obtenir, par exemple, une barrière qui soit directement intégrée à la fibre », indique Christophe Delrive. Une amélioration attendue, qui sera synonyme d’un nouveau challenge technique à relever : « La présence de la préforme en PET autorise un bouchon vissé ou capsulé. Passer à une barrière intégrée nécessitera donc de repenser le système de fermeture ».
De son côté, L’Oréal a annoncé que ses premiers flacons à base de papier seraient mis sur le marché en 2021. « Au début du projet, Paboco travaillait et faisait ses tests sur une machine pilote. Maintenant que l’on a arrêté la forme des bouteilles pour chaque marque partenaire, ils sont passés à la mise au point d’une machine de production. Sur ce sujet, l’expertise d’Alpla se révèle essentielle ». Dans cette communauté, chaque membre est donc un maillon clé qui a son rôle à jouer !
#2
MAISON RUINART
L’éco-conception dans la peau
Début 2020, la MAISON RUINART a annoncé la mise au point d’un nouveau « packaging disruptif ». Fruit de plus de deux ans de R&D, l’étui « Seconde Peau » est destiné à remplacer les coffrets existants de la marque de Champagne pour ses cuvées R, R Millésimé, Rosé et Blanc de Blancs, soit la majeure partie de sa production.
Entretien avec VIOLAINE BASSE, directrice marketing et communication de la Maison Ruinart.
Depuis quand Ruinart s’intéresse-t-elle à l’impact environnemental de ses emballages ?
Cela fait dix ans que Ruinart s’est délibérément engagée dans une approche d’éco-conception. Nous avons alors instauré une évaluation environnementale de nos packagings, selon dix critères. En 2011, ils obtenaient tous la note de 5,5/10, sachant que l’indice moyen est de 9,6/10 aujourd’hui. Cet indice prend notamment en compte la recyclabilité des matériaux et la séparabilité des éléments. Ainsi, Seconde Peau est l’aboutissement d’une démarche de longue date, qui s’est faite par étapes. Nos coffrets actuels, qui datent de 2015, marquaient déjà un progrès, avec l’utilisation de papier et carton certifiés FSC et des cales amovibles en plastique. Or, ce qui était satisfaisant en 2015 ne suffit plus en 2020. C’est pourquoi Frédéric Dufour, président de Ruinart, a choisi dès 2017 de se rapprocher de Pusterla, spécialiste italien du coffret et de l’emballage de luxe, et du papetier britannique James Cropper, afin de pousser plus loin le curseur de l’innovation. Une démarche visionnaire et audacieuse à l’époque, car prêter attention à l’impact environnemental des emballages était encore un comportement de niche parmi nos cibles.
En quoi ce nouvel étui vient-il marquer une rupture sur le marché des vins et spiritueux ?
Seconde Peau n’est pas seulement un étui en 100 % pulpe de papier, issue de forêts européennes éco-gérées, recyclable et sans aucun plastique. Il s’inscrit aussi pleinement dans les codes du luxe. D’un blanc immaculé, le papier moulé a été travaillé de telle sorte que sa texture rappelle les crayères, nos caves historiques. À noter aussi les bords qui sont un peu « ourlés ». Cette finition a été rendue possible par une technologie de découpe au jet d’eau sous pression. Autant de détails qui permettent d’obtenir un résultat très raffiné. Ne pas amoindrir la valeur perçue de nos produits était un vrai challenge dans ce projet. Beaucoup de nos clients aiment offrir du Ruinart, il n’était donc pas question de toucher à cette dimension cadeau.
Quelles sont les atouts écologiques de cet emballage ?
En premier lieu, sa matière. Neuf fois plus léger que nos coffrets actuels, il permet d’économiser 60 % des émissions de CO2 générées pendant le transport. Le fait qu’il soit mono-matériau est aussi un élément clé : même le système de fermeture, par une sorte de bouton-pression, est en papier moulé. Sans recours à un film barrière, l’étui protège néanmoins nos bouteilles de la lumière, grâce à un composant minéral, comparable à ceux utilisés dans les crèmes solaires, qui est ajouté au papier, sans remettre en cause sa recyclabilité. Enfin, nous pouvons mettre en avant l’engagement de notre partenaire James Cropper dans la gestion de l’eau. Son unité de production est située sur la rivière Kent, un site qualifié d’intérêt scientifique spécial (SSSI) en raison de la biodiversité qu’il abrite. Or, 91 % de l’eau utilisée pour fabriquer nos étuis est restituée propre et saine en aval, 4,5 % restent dans le papier moulé produit et 4,5 % sont évaporés pendant le process.
Quand trouvera-t-on vos bouteilles habillées de leur « Seconde Peau » sur le marché ?
Le produit sort en octobre en Europe de l’ouest, avec quelques préventes événementielles en septembre. Néanmoins, le projet Seconde Peau ne s’arrête pas là, puisque nous travaillons déjà sur une deuxième version. Plusieurs pistes sont à l’étude, notamment la possibilité d’intégrer une part de papier recyclé.
#3
NESTLÉ
100 % de packs recyclables ou réutilisables d’ici 2025
À l’instar de plusieurs grands groupes qui ont publié leurs « engagements pour le climat », le géant de l’agro-alimentaire NESTLÉ s’est fixé l’horizon 2025 pour n’utiliser que des emballages recyclables ou réutilisables. Les pistes pour atteindre cet objectif sont multiples. Gros plan sur quelques récents exemples…
Décembre 2018 : Nestlé annonce la création du Nestlé Institute of Packaging Sciences, dédié au développement de solutions d’emballage fonctionnelles, sûres et respectueuses de l’environnement. Ses domaines de recherche prioritaires comprennent les polymères recyclables, biodégradables ou compostables, le papier fonctionnel, ainsi que les nouvelles technologies pour accroître la recyclabilité des emballages en plastique.
Aidé de cet institut, Nestlé s’est donné entre autres objectifs de réduire l’utilisation du plastique (1,5 million de tonnes en 2019), qui représente un tiers du total des emballages utilisés dans ses activités. Le groupe mise aussi sur l’introduction d’une plus grande part de plastique recyclé, dans ses bouteilles d’eau notamment. Ainsi, à quelques mois d’intervalle, une nouvelle bouteille Vittel en 100 % plastique recyclé de 75 cl, puis sa grande sœur de 2 l, sont sorties en France. Le groupe précise que le plastique qui compose ces bouteilles est issu de bouteilles triées et recyclées, et qu’elles pourraient « être de nouveau entièrement recyclées après usage ».
ÉCONOMIES DE PLASTIQUE
Nestlé, qui intègre par ailleurs davantage d’ingrédients naturels dans certains de ses produits, fait évoluer les packagings de ces derniers, afin qu’ils reflètent cette nouvelle stratégie. Exemple avec la poudre de cacao Nesquik All Natural, lancée au printemps 2019 en Europe, qui ne comprend que cinq ingrédients naturels et moins de sucre. Elle se présente dans un sachet en papier recyclable, constitué de fibres certifiées FSC. Yasser AbdulMalak, responsable de la catégorie produits laitiers pour la région EMEA, indique : « Il s’agit de l’un de nos premiers produits à passer d’un emballage en plastique à un emballage en papier recyclable. Une initiative clé, visant à fournir des solutions plus durables pour l’ensemble de notre portefeuille de produits ».
Depuis, Nestlé a également offert à sa marque Kit Kat, sur le marché japonais, un packaging en papier recyclable et même réutilisable, puisque les clients sont invités à faire de l’origami avec ! La Japon étant le premier consommateur au monde de barres Kit Kat, avec près de 4 millions d’unités vendues chaque jour, la firme estime ainsi pouvoir économiser 380 tonnes de plastique par an avec ce nouveau packaging.
#4
CHANEL
Avec Sulapac, cap sur les matériaux de demain
CHANEL est entré au capital de la start-up finlandaise SULAPAC en 2018, puis lui a accordé un investissement supplémentaire un an plus tard. Objectif : permettre à cette jeune entreprise d’accroître la production d’un matériau innovant biodégradable, appelé à remplacer le plastique.
Un matériau biodégradable qui a les propriétés du plastique, sans en contenir la moindre trace ? C’est la prouesse relevée par Sulapac. Créée en 2016, cette société finlandaise a développé un nouveau matériau destiné à l’emballage, à partir de copeaux de bois et de liants naturels. Biodégradable, cette alternative durable aux plastiques offre également des performances supérieures en matière de propriétés barrières (résistance à l’eau, à l’huile, etc.). De plus, le Sulapac présente l’avantage d’être utilisable dans les machines utilisées en plasturgie traditionnelle. Dernier atout, et non des moindres en cosmétique : son aspect unique, à la fois haut de gamme et distinctif.
RÉDUCTION DE L’EMPREINTE CARBONE
Le Sulapac allie écologie, luxe et possibilités de conception illimitées. De quoi séduire une grande marque telle que Chanel qui, aux côtés d’autres investisseurs, a permis à la start-up de lever 15 millions d’euros fin 2019, pour accélérer sa croissance à l’international. Pour la maison de luxe, qui a publié son manifeste de stratégie climatique « CHANEL Mission 1.5° » en mars 2020, ce partenariat avec Sulapac est un élément parmi d’autres dans sa démarche globale de réduction de l’impact environnemental de ses activités, sachant que les emballages représentent 5 % de l’empreinte carbone de l’entreprise.
Alors à quand une crème Chanel dans un pot en Sulapac ? Du côté de la marque, on reste prudent : « Dans le cadre de ce partenariat, nos équipes travaillent en étroite collaboration pour étudier les possibilités qu’offre ce nouveau matériau pour la conception de nos futurs emballages cosmétiques, afin de réduire notre empreinte carbone. Mais il est encore trop tôt pour annoncer des applications concrètes ».
0,77
C’est l’empreinte carbone du Sulapac, calculée en équivalent CO2 pour 1 kg de matériau produit, selon l’analyse du cycle de vie réalisée pour le modèle Sulapac Premium Plus. Sur le site web de Sulapac, une infographie permet de comparer son empreinte avec celle du verre, de l’aluminium et de différents types de plastique (PP, HD-PE, RPET, PLA, etc.). En la matière, seul le bio-PE obtient un meilleur score (0,76), mais il reste globalement moins vertueux, car il n’est pas biodégradable.
5 %
C’est ce que représentent les emballages dans l’empreinte carbone totale de la maison Chanel, actuellement engagée dans une démarche globale de réduction de l’impact environnemental de ses activités.
#5
WILSON
La durabilité monte au filet
La balle de tennis Triniti de WILSON offre un bel exemple d’innovation produit et packaging. L’équipementier sportif américain a fait appel au fournisseur de solutions packaging BillerudKorsnäs pour concevoir un tube en carton recyclable et biodégradable pour ses nouvelles balles de tennis plus respectueuses de l’environnement.
Tant qu’à innover, autant mettre en cohérence le contenu et le contenant, soit le produit et son packaging. En effet, puisque l’équipementier sportif américain Wilson se targue de proposer « une meilleure balle de tennis pour la planète », il aurait été dommage de l’emballer comme les autres dans un tube en plastique avec un opercule en aluminium. Issue d’un projet R&D du « Wilson Labs », la Triniti a l’avantage de laisser échapper très peu de pression, grâce à son nouveau matériau plastomère pour le noyau et son nouveau feutre pour le revêtement extérieur. Résultat : une durée de vie quatre fois supérieure à une balle de tennis standard. Une bonne nouvelle pour l’environnement, sachant que moins de 0,5 % des 350 millions de balles de tennis fabriquées chaque année dans le monde sont aujourd’hui entièrement recyclées.
COHÉRENCE PRODUIT-PACK
Moins sensible à la perte de pression, cette balle ne nécessitait donc pas d’être conditionnée dans un tube pressurisé, laissant le champ libre à une innovation packaging. C’est ainsi que la marque américaine et le fournisseur de solutions packaging BillerudKorsnäs ont décidé de jouer en double, pour le meilleur. Le tube de la Triniti est donc fabriqué à 100 % à base de papier, à partir de fibres vierges certifiées FSC, recyclables et biodégradables. Totalement mono-matériau, il se ferme par un simple couvercle, scellé par une petite étiquette autocollante. Grâce à ce partenariat, Wilson peut ainsi proposer une balle haut de gamme, avec un confort proche des balles contenues dans un tube sous pression, mais beaucoup plus durable et présentée dans un packaging unique et différenciant sur le marché.
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#6
GAMME HYBRIC
Quand carton et plastique font bon ménage
Quand deux spécialistes – CARTOFFSET pour le carton et VIRGIN BIO PACK pour le plastique – se rencontrent, cela donne un packaging hybride, mais néanmoins parfaitement éco-conçu, pour améliorer le tri sélectif et la fin de vie de l’emballage.
« Quand on parle de packaging, on oppose trop souvent les solutions carton et plastique, alors qu’elles peuvent tout à fait être complémentaires ». Pour Christophe Tranchard, directeur général de Virgin Bio Pack, rien ne sert de diaboliser le plastique, qui reste incontournable dans l’alimentaire, mieux vaut être créatif avec. Et pour bousculer les habitudes d’un marché habitué au tout pastique par facilité, il n’a pas hésité à se rapprocher d’un spécialiste du carton, l’imprimeur et fabricant Cartoffset. Ce dernier est d’ailleurs entré au capital de Virgin Bio Pack en juillet 2019. Ainsi, la gamme Hybric, lancée en 2012, est le mariage réussi d’un élément de base en carton compact imprimé et d’un fin film de plastique thermoformé pour la protection. Conçue pour les produits frais, elle a été adoptée par de nombreuses marques agro-alimentaires et enseignes (Entremont, Jardin Bio, Vita Frais, Biocoop).
LA PERSONNALISATION GRÂCE AU CARTON
En quoi cette solution est-elle plus écologique ? « Notre solution permet de réduire la part du plastique de 60 à 80 % selon les produits », indique Christophe Tranchard. Une donnée objective et vérifiable, que les marques qui sont passées à l’Hybric n’hésitent pas à mettre en avant. L’allemand Kuhlmann, par exemple, promeut ainsi un emballage avec 84 % de plastique en moins pour ses barquettes. De plus, la possibilité d’imprimer directement le carton permet de faire l’économie de tout élément supplémentaire (étiquette, étui ou bandeau). Autre atout essentiel : plastique et carton se séparent facilement. « Il est indispensable que le geste de tri soit simple et évident pour le consommateur final, afin que les différents éléments soient effectivement recyclés », ajoute Christophe Tranchard. Le dirigeant de Virgin Bio Pack prévient cependant : « Quand certains affirment qu’un pack est recyclable, ce n’est pas toujours exact. Encore faut-il que, derrière, les filières de recyclage soient en place et que, point ultime, il y ait un débouché pour la matière recyclée, sinon cela n’a aucun intérêt ! ». A défaut d’une filière organisée, des montagnes de polypropylène (PP) par exemple s’accumulent selon lui dans les centres de tri.