Les musĂ©es ne sont plus forcĂ©ment ces Ă©difices gris et austĂšres que lâon a en tĂȘte. Contraints de rĂ©agir face Ă des financements publics revus Ă la baisse, ils sâadaptent Ă leur marchĂ© pour sĂ©duire de nouveaux visiteurs. Proposer des parcours immersifs est dĂ©sormais au cĆur des enjeux musĂ©ographiques. Dans les musĂ©es, les expositions deviennent le lieu de vĂ©ritables performances. BiberonnĂ©es aux nouvelles technologies, les nouvelles gĂ©nĂ©rations plĂ©biscitent les expĂ©riences digitales. En coulisses, les experts de la scĂ©narisation dâespace sâactivent pour rĂ©pondre Ă des cahiers des charges toujours plus ambitieux. Les progrĂšs de lâimpression numĂ©rique, de la crĂ©ation en volume et des technologies digitales leur offrent tout un panel de solutions.
[/vc_column_inner][/vc_row_inner]Il mesure 27 mĂštres de long, pĂšse prĂšs de 16 tonnes et a accueilli plus de 200 000 visiteurs en deux mois. Le bateau installĂ© au premier Ă©tage du MusĂ©e ocĂ©anographique de Monaco est la nouvelle attraction des lieux. Dans sa coque, un tunnel immersif garni de 32 Ă©crans HD invite les visiteurs Ă vivre une plongĂ©e inĂ©dite. RĂ©sultat : lâĂ©difice classĂ© nâa jamais accueilli autant de jeunes entre ses murs ! Ă lâimage de Monaco, les musĂ©es dâaujourdâhui ne sont plus forcĂ©ment ces Ă©difices gris et austĂšres que lâon a en tĂȘte. En quelques dĂ©cennies, ils ont su devenir des lieux moins passifs, plus immersifs, avec une scĂ©narisation accrue des espaces.
UNE NOUVELLE LOGIQUE DE MARCHĂ
Le phĂ©nomĂšne sâexplique en partie par le basculement de notre politique Ă©conomique. Moins de subventions publiques ont poussĂ© les musĂ©es Ă sâadapter. Comme le rappelle, dans ses articles, le spĂ©cialiste en musĂ©ologie et professeur Ă l’UniversitĂ© Sorbonne Nouvelle, François Mairesse : « Les musĂ©es ont Ă©tĂ© contraints dâadopter une nouvelle logique de marchĂ©, au fur et Ă mesure que les politiques publiques se sont amenuisĂ©es. Pour eux, il sâagit de devenir populaire, ce qui sâaccompagne dâinvestissements croissants en architecture et en communication ».
« Pour les musĂ©es, il sâagit de devenir populaire, ce qui sâaccompagne dâinvestissements croissants en architecture et en communication », François Mairesse, professeur Ă lâUniversitĂ© Sorbonne Nouvelle
© CĂ©dric Fruneau – MusĂ©e OcĂ©anographique de Monaco
Ă Monaco, le budget global du projet de rĂ©novation de la salle Albert 1er, dont la scĂ©nographie a Ă©tĂ© imaginĂ©e et conçue par les agences ClĂ©mence Farrell et Koya, a avoisinĂ© les trois millions dâeuros.. Pour une exposition temporaire, on parle dâune moyenne de 100 000 euros, pour la partie agencement seulement, sachant que des musĂ©es comme lâInstitut du Monde Arabe ou le MusĂ©e du Quai Branly tournent plutĂŽt autour de 250 000, voire 300 000 euros.
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LâIMPORTANT, CâEST LâATMOSPHĂRE
BiberonnĂ©es aux nouvelles technologies et Ă lâexpĂ©rience-client, les nouvelles gĂ©nĂ©rations plĂ©biscitent les scĂ©nographies innovantes. De lâinteraction, du digital, de la personnalisation : voilĂ le credo. Experte du secteur, AmĂ©lie Prieur est la directrice gĂ©nĂ©rale de Volume Agencement (Exhibit Group), spĂ©cialiste de la musĂ©ographie. Pour elle, le phĂ©nomĂšne remonte au dĂ©but des annĂ©es 2000, avec lâarrivĂ©e en France des premiers centres dâinterprĂ©tation. NĂ©s aux Etats-Unis Ă la fin des annĂ©es 1950, les centres dâinterprĂ©tation sont ces musĂ©es qui ne dĂ©pendent pas d’une collection constituĂ©e, mais dont l’objectif est de mettre en valeur un patrimoine singulier, impossible Ă rĂ©unir dans un musĂ©e classique. Le MusĂ©oParc AlĂ©sia, le Centre d’InterprĂ©tation Paul Gauguin Ă La Martinique, la CitĂ© de l’Espace Ă Toulouse, la CitĂ© du Vin Ă Bordeaux…
© Manuel Huynh
« Dans ces espaces, lâatmosphĂšre est souvent aussi importante que la mise en valeur de vrais objets. La scĂ©nographie des espaces et lâexpĂ©rience vĂ©cue y sont primordiales », explique AmĂ©lie Prieur.
Sa sociĂ©tĂ©, Volume Agencement, vient de terminer le nouveau MusĂ©e de lâAĂ©ropostale Ă Toulouse. Une rĂ©alisation majeure oĂč la scĂ©nographie et les Ă©quipements audiovisuels ont reprĂ©sentĂ© 1,2 million dâeuros de budget. Conçue autour de la piste qui a vu sâenvoler les pionniers de lâaviation civile, le projet se divise en plusieurs pĂŽles : « Les Jardins de la Ligne », ouverts en juin 2017, un grand parcours paysager Ă©vocateur des paysages survolĂ©s par les pionniers de la ligne ; « La Halle de La Machine », Ă©difice contemporain qui accueille depuis novembre le bestiaire de la compagnie La Machine ; et « LâEnvol des Pionniers », installĂ© dans les bĂątiments historiques rĂ©habilitĂ©s.
« LâatmosphĂšre est souvent aussi importante que la mise en valeur de vrais objets. La scĂ©nographie des espaces et lâexpĂ©rience vĂ©cue sont primordiales », AmĂ©lie Prieur, directrice gĂ©nĂ©rale de Volume Agencement
© Manuel Huynh
Câest sur ce dernier espace que sont intervenues les Ă©quipes dâAmĂ©lie Prieur. InaugurĂ© en dĂ©cembre 2018, il retrace lâhistoire du site de Montaudran et les dĂ©buts de lâaviation, avec la fabuleuse Ă©popĂ©e des lignes LatĂ©coĂšre et de lâAĂ©ropostale. Au-delĂ de cette dimension, lâespace plonge les visiteurs dans le quotidien des pionniers au travers de tĂ©moignages, dâobjets personnels, de reconstitutions avec des acteurs en costume et dâexpĂ©riences plus ludiques. L’espace scĂ©nographique fait appel aux divers sens des visiteurs, Ă travers des dispositifs interactifs, audiovisuels et multimĂ©dia, des maquettes, des jeux et de manipulations. « On nous a demandĂ© de recrĂ©er les dĂ©cors de lâĂ©poque et de reconstituer la magie de lâAĂ©ropostale. Nous avons donc optĂ© pour du mobilier en acier, des dĂ©cors imitation briques avec de lâenduit », commente AmĂ©lie Prieur. Dans les salles, ça sent le cuir et le vieux zinc, on croise des pilotes, bonnet dâaviateur sur les oreilles et Ă©charpe blanche autour du cou… On sây croirait !
FAIRE DES « PERFORMANCES »
Pour les grands musĂ©es, la notoriĂ©tĂ© des collections et le prestige des lieux ont longtemps suffi Ă attirer les foules, mais plus maintenant. LĂ aussi, la scĂ©nographie des collections sâest accentuĂ©e. La PinacothĂšque de Brera, Ă Milan, est un exemple parfait de la mue que connaissent les musĂ©es ces derniĂšres annĂ©es. Le bĂątiment nâa pas changĂ©, la collection – lâune des plus belles dâItalie – non plus, mais la musĂ©ographie a subi un sacrĂ© lifting. Lâimpulsion vient de son nouveau directeur, James Bradburne, en poste depuis deux ans et demi, qui a littĂ©ralement rĂ©interprĂ©tĂ© la collection. Ă ses yeux, ce que doit faire un musĂ©e, câest prĂ©senter « une performance » de la collection qu’il expose.
Ă la Brera, cela se traduit par des choix audacieux de couleurs pour les murs avec, par exemple, un bleu profond pour les toiles du XVe siĂšcle, des Ă©clairages qui mettent les toiles en Ă©vidence, comme si elles sortaient de lâatelier, etc. Ă cĂŽtĂ© de chaque tableau, des explications riches et claires ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es. On y trouve des rĂ©flexions d’Ă©crivains sur les Ćuvres, mais aussi des informations pĂ©dagogiques et didactiques. InterviewĂ© par la Radio TĂ©lĂ©vision Suisse en juillet dernier, James Bradburne disait ceci : « Il faut que l’on invite diverses voix au musĂ©e. Il n’y a pas que des astronomes pour parler des Ă©toiles. Il faut aussi accepter qu’il y ait des poĂštes, des artistes… ». Et de rappeler ses deux prioritĂ©s : la collection et les visiteurs, et lâimportance de tout mettre en Ćuvre pour que leur rencontre se fasse dans des conditions idĂ©ales. Ainsi, celui qui conçoit l’exposition doit « oublier l’expĂ©rience d’expert et se rappeler de sa premiĂšre visite ».
Jusquâau 5 mai 2019, le MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs accueille la premiĂšre rĂ©trospective consacrĂ©e Ă lâarchitecte et designer italien Gio Ponti. Jean-Michel Wilmotte en a assurĂ© la scĂ©nographie. Un projet incroyable qui a mobilisĂ© les Ă©quipes dâAmĂ©lie Prieur pendant de longues semaines. Admirateur de Gio Ponti depuis des dĂ©cennies, Jean-Michel Wilmotte invite les visiteurs Ă dĂ©couvrir la carriĂšre de lâartiste et 400 de ses Ćuvres dans une scĂ©nographie articulĂ©e autour de trois sĂ©quences fortes qui, plus quâune rĂ©trospective, constituent une vĂ©ritable immersion. Tirant pleinement profit de la hauteur du bĂątiment, Ă lâimage des podiums de la nef et de la reconstitution partielle de la cathĂ©drale de Tarente, lâarchitecte-scĂ©nographe joue avec les transparences, la lumiĂšre, les rĂ©sonnances entre les Ćuvres, ou encore les espaces de respiration, pour animer cette rencontre avec lâartiste et ses rĂ©alisations.
© Luc Boegly
« Nous avons des clients qui prĂ©fĂšrent avoir affaire Ă un seul contact pour gĂ©rer toute la mise en Ćuvre, avec leur scĂ©nographe », AmĂ©lie Prieur, directrice gĂ©nĂ©rale de Volume Agencement
Alors quâil ne sâagit que dâune exposition temporaire, le MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs a mis les moyens. « Au dĂ©part, nous pensions pouvoir nous arrimer sur lâĂ©difice pour accrocher nos structures, mais cela sâest avĂ©rĂ© impossible. Nous avons donc dĂ» construire des sections autoportantes, comme pour du permanent, afin de respecter le cahier des charges », tĂ©moigne AmĂ©lie Prieur. Pas moins de huit Ă©chafaudages ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour monter le projet. Une Ă©quipe de seize personnes – menuisiers, peintres, tapissiers, etc. – est restĂ©e 15 jours complets sur place, presque jour et nuit, pour pouvoir livrer le projet dans les temps.
© Luc Boegly
DES TECHNOLOGIES AU SERVICE DE LA SCĂNOGRAPHIE
Les progrĂšs technologiques, mis au service des scĂ©nographes, ont accompagnĂ© le mouvement. Parce quâelles sont dĂ©sormais capables dâimprimer nâimporte quels supports, y compris parmi les plus nobles – comme le cuir, les textiles naturels, le verre ou encore le bois – les derniĂšres solutions dâimpression numĂ©rique libĂšrent la crĂ©ativitĂ© des designers. En intĂ©grant des dĂ©partements « volume », les imprimeurs, dĂ©jĂ en pointe sur la partie graphique, ont par ailleurs dĂ©veloppĂ© un vrai savoir-faire en termes de scĂ©nographie, et sont dĂ©sormais en mesure de rĂ©aliser des projets plus aboutis, clĂ© en main. « Dans le domaine de la musĂ©ographie, tous les projets sont uniques et nĂ©cessitent du sur-mesure. Il nây a pas de formation pour nos mĂ©tiers. Nous travaillons tous sur des moutons Ă cinq pattes et sommes capables de nous adapter en permanence Ă chaque demande. Face Ă nous, nous avons des clients qui ne veulent plus travailler avec plusieurs sociĂ©tĂ©s, mais prĂ©fĂšrent avoir affaire Ă un seul contact pour gĂ©rer toute la mise en Ćuvre, avec leur scĂ©nographe », tĂ©moigne AmĂ©lie Prieur.
« Aujourdâhui, nos savoir-faire nous permettent de rĂ©aliser tous ces projets, en maĂźtrisant Ă la fois la fabrication, lâimpression et la pose », Yannic Batifoulier, directeur marketing dâExhibit Group
Un fonctionnement quâExhibit Group a parfaitement compris, quand il a dĂ©cidĂ© de racheter Volume Agencement il y a deux ans. « Nous avions dĂ©jĂ fait quelques incursions dans le secteur de la musĂ©ographie, notamment pour Dior, mais notre expertise en matiĂšre dâimpression nâĂ©tait plus suffisante pour continuer Ă nous dĂ©velopper sur ce marchĂ©. Il nous manquait la crĂ©ation en volume, mais aussi lâĆil et le savoir-faire dâune personne comme AmĂ©lie Prieur, qui travaille dans ce club restreint des spĂ©cialistes de la musĂ©ographie depuis de nombreuses annĂ©es. Aujourdâhui, nos savoir-faire sont parfaitement complĂ©mentaires, ce qui nous permet de rĂ©aliser tous ces beaux projets, en maĂźtrisant Ă la fois la fabrication, lâimpression et la pose », conclut Yannic Batifoulier, le directeur marketing du groupe Exhibit.
© CĂ©dric Fruneau – MusĂ©e OcĂ©anographique de Monaco
UNE SCĂNOGRAPHIE ARCHITECTURALE AUX ARTS DĂCO
© Luc Boegly
Pour la rĂ©trospective Gio Ponti, Jean-Michel Wilmotte a souhaitĂ© tirer pleinement profit de la hauteur du bĂątiment, Ă lâimage des podiums de la nef et de la reconstitution partielle de la cathĂ©drale de Tarente. Pour crĂ©er des jeux de transparences et de lumiĂšre, et des espaces de respiration, de gigantesques sections autoportantes en bois, recouvertes de tissus imprimĂ©s, ont Ă©tĂ© construites par les Ă©quipes de Volume Agencement. Les textiles imprimĂ©s en trĂšs grand format ont Ă©tĂ© imprimĂ©s chez Exhibit Group, sur sa machine dâimpression grande laize Durst. Un dĂ©ploiement de moyens considĂ©rables quand on sait quâil sâagit dâune exposition temporaire. Pas moins de huit Ă©chafaudages ont en effet Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour monter le projet. Une Ă©quipe de seize personnes – menuisiers, peintres, tapissiers, etc.- est restĂ©e 15 jours complets sur place, presque jour et nuit, pour pouvoir livrer lâexposition dans les temps. Tous les supports imprimĂ©s ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par Exhibit Group.
UN DĂCOR EN ANAMORPHOSE AU PALAIS DE TOKYO
© Palais de Tokyo
En mai dernier, Ă lâoccasion de lâexposition Daimyo, consacrĂ©e aux puissants gouverneurs japonais des XIIe et XIXe siĂšcles, le Palais de Tokyo avait optĂ© pour un design musĂ©ographique innovant. Un ensemble exceptionnel dâarmures et dâattributs de Daimyo y Ă©tait prĂ©sentĂ© dans une salle au sol entiĂšrement personnalisĂ© par une anamorphose de 500 m2. Pendant un mois, deux chefs de projet et quatre poseurs ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s pour rĂ©aliser ce projet, pilotĂ© et imprimĂ© par le spĂ©cialiste de lâimpression numĂ©rique grand format Nice Colors. Un dĂ©fi graphique et technique pour le prestataire car le dĂ©cor devait rester en place pendant trois mois et demeurer intact, malgrĂ© lâafflux dâun public venu nombreux pour dĂ©couvrir les trĂ©sors de lâexposition.
HabituĂ©es Ă rĂ©aliser des projets dâenvergure, notamment dans le domaine du retail, les Ă©quipes de Nice Colors ont utilisĂ©, pour ce projet, deux supports de la marque Mactac : le film PVC calandrĂ© souple blanc mat « IMAGin – WW 300 », spĂ©cialement conçu pour les applications intĂ©rieures et extĂ©rieures Ă moyen terme ou les applications extĂ©rieures sur des supports difficiles, et le film de lamination antidĂ©rapant « Permacolor – LUV 6300 », un film PVC semi-mat transparent conçu pour protĂ©ger les imprimĂ©s sur sol.
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