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IA : de l’importance de garder la « tech » froide

C’était il y a un peu plus d’un an, le 30 novembre 2022 : OpenAI mettait en ligne son agent conversationnel ChatGPT. Depuis, pas une journée ne s’est écoulée sans que l’on ne parle d’intelligence artificielle. Médecine, physique, mathématiques, industrie, culture… tous les domaines ont été touchés, de près ou de loin, par cette « hallucination » collective.

À San Francisco, les start-ups de l’intelligence artificielle ont fait du quartier d’Hayes Valley, la nouvelle « Cerebral Valley ».  En France, la levée de fonds de 385 millions d’euros réalisée par la licorne Mistral AI, désormais valorisée à près de 2 milliards de dollars, montre que la frénésie n’est pas près de s’arrêter.

Dans les industries graphiques, artistes, designers, chercheurs, enseignants, commissaires d’exposition ou communicants, s’entendent à dire que l’IA impacte déjà leurs métiers. Conscients du potentiel de cette nouvelle technologie mais aussi des risques, ils tentent aujourd’hui de trouver leur place dans ce monde en transition.  

Après l’imprimerie, l’informatique et internet, l’intelligence artificielle incarne une nouvelle révolution. Pourtant, ses pionniers américains, John McCarthy et Marvin Minsky, évoquent ce mouvement fondamental dès les années 50. Ce qui a changé depuis ? La puissance des calculateurs et le développement massif des machines connectées donnant accès à une quantité phénoménale de datas. Le téléphone ou l’appareil photo ont été des sources de transformation importante, rendant l’IA accessible au plus grand nombre.

Depuis le 30 novembre 2022 et la mise en ligne par OpenAI de l’agent conversationnel ChatGPT, nombreux sont les professionnels qui ont cédé au chant des sirènes. Il faut dire que la promesse est belle, voire fascinante. Dans un monde où la temporalité est celle de l’instant, l’IA a tout de la solution miracle. Outre que cette technologie fait gagner un temps considérable, elle permet aussi de s’émanciper des contingences humaines et techniques et ouvre donc le champ des possibles… Vraiment ? Mais à quel prix ?

MIRAGE OU ELDORADO ?

Detroit se présente comme « la première maison de production spécialisée en IA du monde ». Basée à Paris, elle compte une dizaine de talents français et européens. Pour Jonathan Gilbert, son cofondateur, l’arrivée de l’IA est une révolution. « Le succès de l’IA repose sur une collaboration entre la machine et le savoir des créatifs. Et même si une image sort en dix secondes, je milite pour que les créations produites par notre équipe sur Midjourney soient reconnues en tant que telles. L’IA va bouleverser nos métiers et j’y vois un énorme potentiel. On collabore avec des ONG ou des associations qui ont peu de moyens mais nous leur permettons ainsi d’avoir des images qualitatives. Nos collaborateurs ont un œil graphique et un style, soutenus par une maîtrise de l’outil qui nous permet d’obtenir des résultats bluffants. C’est ce que l’on vend. »

« L’IA, si elle n’est pas gage de qualité, accélère sacrément les process et potentialise des idées que nous aurions jugées impossibles » Gilles Deléris, cofondateur et directeur de création de W&Cie

Gilles Deléris a fait ses classes à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD) et cofondé W&Cie en 1997, avec Denis Gancel. L’agence a été choisie pour assurer le branding des Jeux Olympiques 2024 et pour la dernière campagne du château de Chambord. En 2022, les deux hommes se sont lancés dans l’écriture d’Ecce Dico, un abécédaire amoureux et illustré de la vie en agence. En 150 mots-clefs, à la manière d’un dictionnaire, l’ouvrage décline les atouts de la « fantastique aventure humaine » que représentent les agences créatives. Pour ce projet, ils ont choisi de confier l’ensemble des illustrations à une IA. Les 26 lettres de l’alphabet ont été illustrées grâce à Midjourney, développant un nouveau vocabulaire créatif. « Je n’aurais jamais pu réaliser cet ouvrage sans recourir à l’IA. En effet, commander une centaine de visuels à des illustrateurs du monde entier aurait coûté des milliers d’euros et nous y serions encore » confie Gilles Deléris. « L’IA, si elle n’est pas gage de qualité, accélère sacrément les process et potentialise des idées que nous aurions jugées impossibles ».

IMAGINAIRES DÉBRIDÉS OU STANDARDISATION ?

Le créatif garde néanmoins un regard lucide et critique sur le potentiel de l’IA en tant qu’outil naturel des industries créatives. « L’IA est Pharmakon, le poison et le remède, le problème et sa solution. En nous permettant de générer des images en quelques clics, elle nous permet certes d’aller plus vite, mais ce faisant, elle potentialise aussi la notion d’urgence et accélère la routinisation de la panique temporelle, concept développé par la sociologue Muriel Darmon qui exprime la normalisation du sentiment d’impuissance ». Quoi de plus efficace en effet que l’IA pour répondre à l’injonction aliénante de l’instantanéité qui caractérise notre société… Une évolution où le temps nécessaire à la réflexion devient le parent pauvre, favorisant la standardisation et l’appauvrissement des créations générées. Une ligne de crête entre deux abîmes pour les créatifs.


Portrait d’artiste : Marion Roche

Artiste et chercheuse, Marion Roche est doctorante en philosophie et en art à l’université Lyon 3, en codirection avec les Beaux-Arts de Lyon. « Si les figures de proue de l’art contemporain comme Duchamp avaient réglé le problème du rôle de l’artiste, l’IA vient à nouveau gratter à cet endroit-là. En effet, si l’on utilise l’IA de façon standard, les résultats sont stéréotypés et ennuyeux, mais si on réussit à travailler avec, en détournant ses biais, ça devient un outil passionnant. C’est l’exploration pure qui m’intéresse dans l’IA. »

Marion Roche travaille sur le rapport de l’humain à la technologie et essaie de voir comment cette interaction peut aider à penser un nouveau rapport à l’être. Avec l’ingénieur Olivier Nérot, elle a montré au DNA, le festival d’art numérique de Grenoble, deux installations, soulevant la notion de biais et d’inconscient.

L’installation EnfAIr, propose, dans une sorte de confessionnal, une discussion écrite avec une IA : l’échange mène à la composition d’un cadavre exquis. On apprend par la suite qu’elle a été entraînée à partir des livres censurés de l’histoire, rendant cette création plus interdite que les ouvrages eux-mêmes. Par l’apprentissage des machines, cette installation montre les biais des IA, mais aussi comment les détourner.

La seconde installation, DivAIn est un divan sur lequel on s’assoit. L’interaction se fait par la voix, avec un psy entraîné avec des vidéos de Youtube sur le développement personnel et la pensée positive, mais la discussion tourne vite en rond.

(c) Marion Roche


DES OEUVRES HYBRIDES ?

L’IA signe aussi, selon certains, la fin des droits d’auteurs en raison de l’impossible traçabilité de la modification d’une œuvre. À tel point que certains illustrateurs se voient désormais sommés d’envoyer leurs fichiers Photoshop ou Illustrator, avec calques et croquis, pour s’assurer qu’ils en sont bien les auteurs.

Professeur en études cinématographiques, études visuelles et théories des médias à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, Antonio Somaini constate que beaucoup d’entreprises se penchent aujourd’hui sur le sujet, car d’ici peu, internet sera envahi de productions générées par des IA. Sans compter l’arrivée prochaine d’IA entraînées par d’autres IA. « C’est donc dans l’intérêt même des sociétés qui produisent ces modèles de faire la distinction et le tri. On parle d’utiliser un label, mais il faudrait qu’il soit inséré dans le code même de l’image pour que l’on puisse avoir une trace stable du fait que telle image a été générée ou modifiée par une IA. Il est possible que nous y arrivions via les blockchains, mais cela s’annonce ardu car l’IA s’est immiscée partout ! »

PÉDAGOGIE ET COMPÉTENCES

Aujourd’hui, si écrire un prompt (court texte qui permet de diriger une intelligence artificielle, ndlr)  est aisé, tout le monde n’est pas capable d’échanger avec la machine pour générer le résultat escompté. « Celui qui réalise une œuvre grâce à une IA est à l’origine de l’image qui va émerger mais reste incapable de l‘anticiper. C’est la pensée et le concept qui accompagnent l’image qui en font sa valeur. La pire chose serait donner une technologie puissante au plus grand nombre sans pédagogie, ni mode d’emploi. L’art peut faire la différence, c’est pourquoi le rôle des écoles est essentiel dans la formation des élèves à l’IA. Ce sont le discours artistique, la capacité à le formaliser et à établir des concepts qui comptent. Il ne faut pas confondre statut de l’artiste et circuit de validation » explique Dominique Moulon, enseignant, critique d’art et commissaire d’exposition, notamment pour la Biennale Némo en Ile-de-France.

Yann Philippe, directeur de l’atelier de création visuelle Flowim et enseignant en image et nouvelles technologies aux Gobelins, se montre aussi prudent : « Aujourd’hui, produire en quelques secondes un visuel esthétiquement satisfaisant est donné à tous. L’IA attribue une soudaine compétence sans effort, ni apprentissage au novice qui passe de zéro à héros en trois clics. L’IA est un secteur encore vierge, aussi nous assistons à une ruée vers l’or, où tout le monde essaie d’occuper le terrain. Nous observons un glissement des compétences où un technicien voire un informaticien qui n’a pas forcément la culture visuelle ou artistique peut aujourd’hui se voir proposer un poste de créatif. Ce problème de posture remet en question la notion de talent. D’autant que certains grignotent des parts de marché aux créatifs historiques. Ignorant des tarifications du secteur, ils dévalorisent la profession et cassent le marché. »


Portrait d’un hacktiviste : Geoffrey Dorne

Enseignant, auteur, illustrateur, Geoffrey Dorne développe depuis 20 ans son activité de designer indépendant au service de ses engagements.

Geoffrey Dorne a fait ses armes aux Arts Déco de Paris, aux côtés d’enseignants comme Pierre Bernard, co-fondateur du collectif Grapus. En 2012, il crée son atelier Design & Human, convaincu que son métier peut être un outil d’émancipation, de résilience, de liberté et d’indépendance. Depuis, il accompagne régulièrement des projets pour des ONG ou associations dédiées aux réfugiés, aux sans-abris ou aux populations fragilisées. Convaincu de la nécessité d’éduquer le plus grand nombre aux pratiques du numérique, il a cofondé la formation Etape Design à Paris, pour les jeunes en décrochage.
Pour lui, le design peut être une arme pour dénoncer les injustices sociales ou environnementales. Il crée sa maison d’éditions HCKR, où il publie Hacker Citizen, qui réunit des idées pour réinvestir la ville et Hacker protester, livre sur le design des armes citoyennes lors des révolutions contemporaines.
En 2022, il imagine IAFP, où il illustre les dépêches de l’AFP publiée sur Twitter qu’il soumet à Midjourney. Parfois ça crée des accidents ou des surprises mais ce qui lui plaît le plus, c’est l’humour humour, les décalages et l’émotion que ce processus créatif génère. « J’essaie d’adopter une posture où le design est non déterministe et où, à partir d’une thématique donnée, on ne sait pas si à la fin, on va faire un livre, une affiche, un site internet ou un logo. Dans tous les cas, la forme est déterminée par le fond. Ce qui est intéressant c’est d’apprendre à jouer avec la machine et de déjouer sa censure ».

« La question de la contestation nous oblige à détourner les IA pour servir les causes sociales ou environnementales. J’ai fait pas mal d’affiche sur la Coupe du monde au Qatar, avec une tête de mort que j’ai intégré dans la Coupe. Pour la Légion d’honneur attribuée au PDG de Total j’ai travaillé sur Photoshop pour ajouter du pétrole par-dessus, mais l’IA refusait. Il faut sans cesse se battre avec la censure pour faire passer ce que l’on veut ».


DES BESOINS D’ÉTHIQUE ET DE TRANSPARENCE

« En tant que chercheur je vois dans l’IA un moment de rupture majeur passionnant à étudier comme phénomène, même si je suis conscient des dangers de cette transformation en termes de perte de compétences, de savoirs et de risques de standardisation. Il faut s’engager pour tenter d’infléchir les modèles dans une direction conforme aux valeurs d’éthique. La transparence des données d’entraînement est indispensable. C’est l’unique manière de s’émanciper du style imposé par un modèle ou d’orienter ces systèmes vers des directions créatives maîtrisables » affirme Antonio Somaini.

À l’usage, on constate que l’IA reproduit les biais de notre société : certains sujets ou populations sont moins représentés que d’autres. Dall.e et Midjourney ont réagi en ajoutant des prompts cachés (pré-prompts), avec des mots comme « black », « asian » ou « woman », pour favoriser la diversité de résultats. « Sans instruction, ni cartographie des images générées, nous utilisons les modèles à l’aveugle, on tâtonne. Le pouvoir sur ces modèles est détenu par une poignée de décisionnaires telles que les sociétés privées Midjourney et Dall.e. Toutefois, avec l’IA act, une tendance se dessine vers plus de transparence » espère Antonio Somaini. De fait, sur un marché si émergent et évolutif comme celui de l’IA, la nécessité de régulation s’accentue (lire notre interview de Laurence Devillers).

« Aujourd’hui, il existe des influenceuses en IA, demain on échangera avec les administrations via des personnages virtuels. On ne saura peut-être pas si on échange avec une personne réelle ou pas. Certains pays obligent ceux qui ont recours à ces pratiques à le spécifier. C’est un vrai problème qui, avec l’évolution exponentielle des IA surpuissantes, nécessite contrôle et régulation. On se dirige vers un monde totalement hybride. Cette fusion du réel et du virtuel va apporter son lot d’innovations et d’écueils et il faut juste qu’on soit capable de les comprendre et de faire le distinguo » indique Nils Aziamosnoff, le directeur général du pôle d’innovation culturelle Cube Garges.

La consommation énergétique requise par les systèmes d’IA est l’autre part d’ombre du phénomène. « Les sociétés qui, les premières, ont développé les grands modèles d’IA ont gardé intentionnellement ces données confidentielles » regrette Antonio Somaini. « Le créateur de Midjourney expliquait récemment que si la croissance de leur modèle se poursuivait à ce rythme, dans dix ans il n’y aurait plus assez de serveurs sur la planète. », indique Gilles Deléris. Et pour cause, les serveurs et datas centers stockent des quantités colossales de données, sans parler du coût des cartes graphiques nécessaires pour calculer jour et nuit les informations qui leur sont transmises. Pour Yann Philippe, l’aspect écologique des IA est souvent le grand oublié des débats et les données à ce sujet sont très opaques. « J’ai essayé d’interpeller le PDG de Midjourney lors d’un office hour hebdomadaire en ligne. J’ai pu lui demander quel était le montant de la facture électrique mensuelle de Midjourney. La réponse a été cinglante : « Nous n’utilisons que de l’énergie renouvelable, la question n’est pas pertinente ! ». J’ai tenté de faire le calcul en me basant sur la seule puissance de la carte graphique utilisée par la plupart des fournisseurs d’IA générative. Il en est sorti que le seul envoi d’une instruction à une IA quelle qu’elle soit, équivaut à 70 minutes de charge d’un smartphone, sans compter le Cloud, la connexion internet ni le stockage des images. » « Le coût du numérique est colossal. Il est urgent de mener un travail d’étude, de conscientisation des problèmes et de formation des jeunes, afin d’initier des démarches écoresponsables sur ces sujets », insiste Nils Aziamosnoff.

DES MÉTIERS EN MUTATION

Certaines professions dans les industries créatives sont aujourd’hui malmenées, comme celles d’illustrateurs ou de photographes. Alors qu’il y a six mois, les banques d’images juraient de ne jamais avoir recours à l’IA, Getty vient de lancer une banque de création d’images en IA. Adobe met aussi les bouchées doubles pour tenter de rattraper son retard sur Midjourney, en proposant des solutions, où les droits, comme pour Getty, sont mieux contrôlés.

Pour Nils Aziamosnoff, l’avenir est à la datavision. Le métier de designer de l’information est d’ailleurs enseigné aux Gobelins ou à l’Esad de Reims. Cette fonction existe depuis dix ans, mais prend de la valeur. Il consiste à simplifier des données complexes, pour qu’un décideur, par exemple, les comprenne rapidement afin de faciliter et accélérer sa prise de décision. « Réussir à faire parler et rendre lisibles des données complexes fait partie des nouveaux métiers indispensables. Il s’agit de l’un des plus hauts niveaux de complexité dans la représentation de l’information ».

Appelée aussi simplexité, la datavision telle qu’elle est conçue par des ingénieurs n’est souvent lisible qu’entre pairs. Aussi, les artistes et designers ont un rôle à jouer, car ils peuvent réussir à représenter ces données complexes de manière simple et intuitive.

De la même manière, les objets connectés avec de l’lA générative intégrée, capables de générer par eux-mêmes des réponses, vont se développer. Cette évolution va faire apparaître de nouveaux métiers, à la croisée du numérique, de l’IA et de la mécatronique.

D’autres métiers surgissent. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se spécialisent dans le prompt. Ce n’est ni un art, ni une science, juste une façon de dialoguer avec la machine. Mais la technique évolue très vite et à chaque nouvelle version d’un modèle d’IA, quel qu’il soit, le langage, la grammaire et la structure du prompt changent. C’est le cas pour Dall.e 2 et Dall.e 3 ou pour Midjourney 3 et sa version 5.2. Aujourd’hui, sur Dall.e 3, on ne prompte plus, on peut envoyer un texte et l’IA en fait une image. La mission de prompteur semble donc être une fonction plus transitoire que pérenne. En revanche, la profession de créateur de modèle d’IA, jusqu’alors réservée aux informaticiens, est un métier émergeant, comme celui d’entraîneur ou guide d’IA. Plus qu’un travail d’opérateur, il consiste à guider le modèle dans son apprentissage.

VERS L’HYPERPERSONNALISATION DES SYSTÈMES

Aujourd’hui, il existe plus de 30 000 modèles d’IA dans le monde et il s’en crée quotidiennement des milliers. Après l’ère généraliste, les solutions propriétaires ont désormais la cote. Adobe, par exemple, propose des solutions exclusives aux groupes de communication qui travaillent sur leurs logiciels. Ces abonnements onéreux permettent d’utiliser Firefly, Photoshop Beta ou Illustrator en intégrant de l’IA.

Mais alors que les industriels des arts graphiques envisagent la monétisation des avancées de l’IA dans un corpus maîtrisé et accessible aux professionnels, on se dirige vers l’hyperpersonnalisation des systèmes. C’est le cas du groupe de luxe LVMH, qui a intégré les équipes de la société de recherche appliquée en IA Runway, pour développer son propre outil. Valoriser ses archives est une tendance qui se développe. Concevoir sa propre IA permet aux marques soucieuses de protéger leurs données, d’exploiter leurs fonds historiques et d’en conserver la propriété. Certaines grandes entreprises travaillent déjà sur le sujet et créent leur modèle qu’ils entraînent sur leur propre corpus afin de générer du contenu inspiré de la synthèse de leur propre histoire, évitant ainsi de tomber dans l’écueil de la standardisation.

L’IA, comme toutes les avancées technologiques, défie plus que jamais la créativité des professionnels et des utilisateurs. Si l’homme ne crée plus l’œuvre seul, il crée le système qui crée l’œuvre finale. Nous avons changé de paradigme, la data est devenue le pigment et l’lA le pinceau.


PETIT LEXIQUE DE L’INTELLIGENCE ARTICIELLE

Algorithme :
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, l’algorithme s’appuie sur des modèles mathématiques complexes. Il n’est pas déterministe mais « auto-apprenant » : le traitement et l’analyse d’une immense quantité de données lui permettent de s’adapter, d’évoluer et de se reconfigurer pour fournir des résultats précis.

Hallucination :

Dans le domaine de l’intelligence artificielle, une hallucination est une réponse fausse ou trompeuse présentée comme un fait certain.Ce phénomène est appelé « hallucination » par analogie avec le phénomène de l’hallucination en psychologie humaine. Cependant, une différence clé est que l’hallucination humaine est généralement associée à de fausses perceptions, alors qu’une hallucination d’IA est associée à des réponses ou des croyances injustifiées. Le terme a pris de l’importance au moment du déploiement de ChatGPT et consorts.

Machine learning :

Correspond à un champ d’étude de l’intelligence artificielle appelé « apprentissage automatique » en français. Concrètement, le machine learning regroupe plusieurs méthodologies dont la finalité est d’enseigner l’autonomie à un programme informatique. Après une phase d’entraînement préliminaire sur un large corpus de données, le programme est capable de résoudre des problèmes pour lesquels il n’a pas été développé.

IA :

L’intelligence artificielle est un procédé logique et automatisé reposant généralement sur un algorithme et en mesure de réaliser des tâches bien définies. Pour le Parlement européen, constitue une intelligence artificielle tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». 

IA générative :

Désigne un système capable de générer du texte, des images ou d’autres types de contenus (audio, vidéo, etc.) à l’aide d’une requête textuelle. Plutôt que de classer ou prédire, les IA génératives produisent du contenu en s’appuyant sur un modèle de langage entraîné sur une large base de données.

Prompt :
Le terme désigne les requêtes textuelles adressées par les utilisateurs à des systèmes d’IA génératives tels que ChatGPT, DALL-E ou Midjourney. En fonction de la précision et de la contextualisation du prompt, la réponse apportée sera plus ou moins exhaustive.


Pour aller plus loin, retrouvez une interview d’Etienne Mineur, designer et co-fondateur de l’agence parisienne Volume, et un entretien avec Laurence Devillers, professeur en IA et éthique à Sorbonne Université.

Journaliste diplômée de l’Institut de la Communication et des Médias (Grenoble) et de l’Université Jean Moulin (Lyon), Emmanuelle Hebert a exercé dans les secteurs de la presse et de la communication. Elle travaille depuis 2017, comme indépendante, en conseil éditorial et collabore depuis deux ans avec IC Le Mag.