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Les enseignes de grande distribution utilise l'arme de la personnalisation pour enrayer le déclin.

Grande distribution : la personnalisation en tête de gondole

Face à l’érosion de la fréquentation qui touche les grandes surfaces depuis plusieurs années et qui va en s’accélérant, et concurrencées par un secteur du e-commerce toujours plus puissant, les enseignes de la grande distribution – alimentaire ou spécialisée – se mettent en ordre de bataille pour faire (re)venir les consommateurs en magasin. Avec un mot d’ordre : la personnalisation. Personnalisation des espaces, de l’offre, des services… au bénéfice d’un parcours client sans couture et toujours plus expérientiel. Si les outils digitaux (réalité augmentée, hologrammes, affichage digital, web-to-vidéo, intelligence artificielle) intègrent de plus en plus les rayons, d’autres stratégies (agencement, PLV, shop-in-shop, marquage objet et textile) sont également mises en œuvres, pour offrir aux consommateurs une expérience omnicanal.

Photo ouverture : © Malherbe Paris

 

La formule « Tout sous le même toit » a vécu. Tout du moins son expression la plus poussée : les hypermarchés. Le concept, qui a si bien fonctionné pendant les Trente Glorieuses et encore après, assurait une position dominante aux grandes enseignes, dont l’offre était en quelque sorte « imposée » aux consommateurs. Mais depuis dix ans, le rapporte de force s’est inversé. Les clients ont repris la main sur leurs habitudes de consommation et n’hésitent plus à fragmenter leurs achats, aidés en cela par une multitude d’acteurs spécialisés qui ont participé à l’avènement du e-commerce et au retour du commerce de proximité dans les grandes villes. Touchées de plein fouet par ce renversement de table, les très grandes surfaces ont énormément souffert. Selon l’étude « La grande distribution – Une (r)évolution qui s’impose », publiée par Kantar Média en 2018, le chiffre d’affaires des enseignes de la grande distribution aux Etats-Unis a chuté de 31 % en dix ans, quand, sur la même période, la volume d’affaires global du commerce progressait de 17 %. Même tendance en France où, en 2017, la fréquentation des hypermarchés baissait encore de 4 %. Et les plus grandes enseignes, dont le parc est majoritairement composé de surfaces de plus de 7500 m2, sont très exposées.

LA PERSONNALISATION : ARME DE RECONQUÊTE

Alors la guerre au déclin est déclarée. Tous les mastodontes du secteur y vont de leur « plan quinquennal ». Si la réduction des surfaces est l’une des premières réponses apportées, le changement est bien plus profond. C’est bien toute la manière de concevoir la grande distribution qui est remise en cause. Au cœur des stratégies, un mot d’ordre : la personnalisation. Personnalisation des espaces, de l’offre, des services… au service d’un parcours client sans couture et toujours plus expérientiel. Si les outils digitaux (réalité augmentée, hologrammes, affichage digital, web-to-vidéo, intelligence artificielle) intègrent de plus en plus les rayons, d’autres stratégies (agencement, PLV, shop-in-shop, marquage objet et textile) sont également mises en œuvres, pour offrir aux une expérience omnicanal. Décryptage.

 

AGENCEMENT
LA GRANDE DISTRIBUTION REDÉFINIT SES ESPACES

Exit la standardisation des points de vente, place à la personnalisation des espaces. Si les enseignes de la grande distribution se sont toutes emparées des centres-villes avec une offre de commerce d’appoint, elles adaptent désormais leurs propositions aux zones de chalandise de leurs magasins urbains. À Paris, l’enseigne Franprix (groupe Casino) a ouvert, au mois de décembre dernier, un nouvel établissement en face de l’Opéra Garnier (rue Scribe) qui tranche avec les codes de l’épicerie. La société Prodistribution, le plus important master franchisé du groupe Casino, qui exploite le magasin, a décidé de miser sur la restauration, avec une ambiance « bistrot chic », afin d’attirer une clientèle touristique très présente dans le quartier, ainsi que les actifs qui y travaillent. Et si l’établissement propose quasiment le même nombre de références produits qu’un Franprix standard de même taille, la « zone de vie » représente tout de même la moitié des 300 m2 de surface commerciale !

 © Casino

C’est encore le groupe Casino et son partenaire Prodistribution qui sont à l’origine du concept « Le 4 », véritable laboratoire du commerce de proximité de demain installé avenue Franklin Roosevelt, à deux pas des Champs-Elysées. Un point de vente expérimental, truffé de nouvelles technologies, intégrant un showroom Cdiscount sur tout un étage, avec un espace de co-working. Là aussi, l’enseigne mise sur une clientèle internationale et d’actifs.

LE MAGASIN DE PROXIMITÉ SE DÉCLINE EN GRANDE SURFACE

Mais au-delà des points de vente de centre-ville, l’expérience du magasin de proximité gagne aussi les grandes surfaces plus « périphériques ». Comme au centre E.Leclerc de Pau, qui a rénové l’ensemble de ses rayons frais (soit 8500 m2) en 2017. Ici, tous les espaces référents (boulangerie, pâtisserie, traiteur, boucher, poissonnier, fromager, cave) ont été repensés pour mettre en valeur les savoir-faire inhérents aux métiers de bouche présents dans le magasin. C’est le département « Retail » de l’agence Dragon Rouge qui a imaginé et conçu les nouveaux espaces, en s’appuyant sur des codes forts propres à chaque métier.

La boucherie a été équipée d’une cave du mûrissement de la viande visible de tous les clients. Le programme « Saveurs d’ici » dont l’objectif est de développer les circuits courts avec les agriculteurs et éleveurs de la région, a été renforcé. Dragon Rouge a par ailleurs redessiné une cave complète et créé la zone « Les Chais », une partie de cave sous température dirigée, pour conserver et présenter les plus belles bouteilles.

 © Dragon Rouge

Des enseignes géantes, visibles de loin, ont été installées pour marquer chaque univers, avec, pour chacune, une typographie spécifique. Pour renforcer l’impact visuel des produits, un traitement gris anthracite habille désormais tout le magasin. Enfin, une réplique d’estafette Citroën a été installée au centre de l’univers frais. Pensée dans un esprit « food truck », elle présente l’offre snacking et permet aux clients de déjeuner en plein cœur du magasin.

LA GRANDE DISTRIBUTION NON ALIMENTAIRE IMAGINE AUSSI DE NOUVEAUX MODÈLES

La grande distribution non alimentaire n’est pas en reste. L’enseigne Boulanger, spécialiste de l’électroménager et du multimédia a lancé, à l’été 2016, avant un déploiement en 2017, le Comptoir Boulanger. Le concept : retrouver le meilleur de l’enseigne sur un format ramassé de 300 m2, où une sélection des articles les mieux notés par les clients sur le site internet se retrouvent en totale démonstration. Tout y est branché et prêt à l’emploi, permettant aux consommateurs de toucher, prendre en main et tester les articles in situ.

Un « showroom » nouvelle génération imaginé par l’agence BàM (Boîte à Magasins), spécialiste du retail design, et qui, pour l’occasion, a signé des choix forts en termes de design et de merchandising : un mobilier composé principalement de bois pour un style atelier, des produits intégrés et stratégiquement disposés dans des espaces « comme à la maison », des supports de communication sur le lieu de vente incitant à essayer les appareils, et un magasin connecté pour y faire figurer toutes les références du site internet, disponibles sur place dès le lendemain.

 © Boulanger

Chez Ikea, on mise plutôt sur la régionalisation. Le leader mondial du mobilier et de la décoration, qui commence à rapprocher certains de ses gros porteurs des centres-villes, on se met au diapason de l’environnement local, pour mieux le traduire en magasin. Au moment de l’ouverture de l’établissement de Bayonne, le groupe suédois a ainsi dépêché des architectes d’intérieur chez des habitants de la région, pour une enquête minutieuse sur les intérieurs des particuliers et leurs habitudes de consommation. De ces visites sont nés, au sein du magasin, trois espaces imitant une typologie d’habitat représentée au niveau local (un gîte rural, une résidence secondaire, un studio à l’esprit « surf ») et susceptibles de répondre aux mieux aux attentes des consommateurs.

 

AFFICHAGE ET PROMOTIONS
DES MESSAGES CONTEXTUALISÉS ET DYNAMIQUES

En matière de communication sur le lieu de vente, les habitudes de la grande distribution évoluent aussi. Exit les PLV et autres supports imprimés déclinés à l’identique pour tous les magasins d’un même réseau. Chez le groupe Cora, on adapte les supports de communication à chaque point de vente ! Comment ? Grâce à une solution web-to-print mise au point par la société Riou Solutions, qui travaille avec l’enseigne de grande distribution depuis cinq ans. « L’enseigne souhaitait un dispositif lui permettant de personnaliser à l’envi ses commandes de PLV, en fonction de la demande, de la surface de vente et de l’agencement, explique Mélanie Riou-Désurier, directrice générale de Riou Solutions. Nous avons alors mis en place une plateforme de commande en ligne de supports. Nous y avons intégré des modèles pour tous les types de supports (petit format, grand format, textile), garantissant ainsi le respect de la charte graphique de l’enseigne et une cohérence de communication sur le plan national ».

Chacun des 61 hypermarchés Cora comprend un responsable communication et signalétique qui a accès à la plateforme. « Chaque professionnel commande ce qu’il souhaite. En matière de produit : si un hypermarché projette une campagne spécifique, il peut passer commande pour une PLV personnalisée. Mais aussi en nombre : chaque référent en magasin connaît sa superficie et commande donc sur la plateforme uniquement ce dont il a besoin. Au passage, cela évite le stockage et réduit les coûts », poursuit la dirigeante. Un enjeu très important, puisqu’on estime aujourd’hui que 60 % des PLV reçues en point de vente ne sont pas installées.

Mais au-delà de ces gains immédiats, les nouvelles solutions de communication sur le lieu de vente permettent aux hypermarchés et grands magasins spécialisés de se transformer en média à part entière, pour diffuser leurs propres messages ou ceux des marques distribuées. Objectif : accompagner le client tout au long de son parcours et surtout au plus près de l’acte d’achat. Une nécessité, quand 43 % des consommateurs déclarent être influencés par du contenu digital en magasin et que deux tiers des décisions d’achat qui sont prises devant un rayon. Dans ce cadre, les nouvelles technologies digitales intègrent toujours plus les stratégies de communication en point de vente. Réalité superposée, hologrammes, affichage digital, web-to-vidéo : ces outils offrent des possibilités de théâtralisation, mais surtout une communication en temps réel et une personnalisation des messages.

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DATAS AU SERVICE DE LA PROMOTION

En matière d’offres promotionnelles, l’intelligence artificielle et l’usage des datas font même basculer la grande distribution dans l’ère de l’ultra-personnalisation. Alors que la loi Alimentation du 30 octobre 2018 encadre plus sévèrement les promotions sur les produits alimentaires (qui ne peuvent plus excéder 34 % du prix de vente au consommateur), mettant fin, de fait, aux promotions massives, la start-up française UntieNots propose une alternative ultra-personnalisée. Le dispositif mis au point par la start-up parisienne, baptisé « Loyalty Challenge », consiste à proposer aux clients d’une enseigne de grande distribution des « défis » personnalisés en fonction de leurs habitudes de consommation et de leurs préférences.

 © Untie Nots

Concrètement, il s’agit pour le client de dépenser, au sein d’une enseigne, un montant donné, sur une marque en particulier et sur une période de temps définie, afin de se voir offrir des réductions ou de gagner une somme qu’il conviendra de dépenser également chez l’enseigne partenaire. Les algorithmes d’intelligence artificielle d’UntieNots brassent une quantité impressionnante de données clients, fournies par les enseignes, pour mettre au point les défis. Plus de 500 000 tickets de caisse sont ainsi analysés quotidiennement, tout comme les éléments de navigation internet et la localisation des clients. Une solution qui a déjà séduit les groupes Auchan, en France, et Carrefour, en Belgique.

 

OFFRE PRODUITS
MOINS D’EXHAUSTIVITÉ, PLUS DE SÉLECTIVITÉ

En matière de produits aussi, l’usage des datas et de l’intelligence artificielle permet de personnaliser son offre. Exemple avec l’enseigne suédoise H&M. Le leader mondial de l’industrie du prêt-à-porter n’est pas une entreprise du secteur de la grande distribution, au sens stricte du terme. Pourtant, le travail mené par le géant du retail pourrait bien inspirer certaines enseignes. En effet, H&M a décidé d’utiliser l’intelligence artificielle et les données clients afin de personnaliser l’offre, jusqu’ici uniformisée, de ses quelques 4300 boutiques dans le monde, en fonction des habitudes de consommation de ses consommateurs.

L’entreprise a donc constitué une équipe de 200 experts en mégadonnées, analystes et ingénieurs, qui vont traiter des milliards de données issues principalement des tickets de caisse, retours produits et cartes de fidélité, et qui vont aussi développer des algorithmes susceptibles d’automatiser l’analyse de ces données. Les résultats permettront à l’enseigne de réagir très rapidement et de façon chirurgicale face à la demande dans ses magasins, mais également d’anticiper les tendances de la mode en traitant des données externes (blogs, presse, moteurs de recherche, etc.). Testée dans un magasin pilote à Stockholm, en Suède, cette nouvelle offre personnalisée a permis à la boutique d’augmenter sensiblement ses ventes.

VERS UNE NOUVELLE OFFRE DANS LA GRANDE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE ?

Royaume de la standardisation et de l’exhaustivité, la grande distribution alimentaire teste de nouveaux modèles d’offres sélectives et personnalisées. C’est notamment le cas au sein du concept « Le 4 », du groupe Casino. Dans ce point de vente expérimental (voir plus haut), l’enseigne a bâti une offre très sélective où les petites marques tendances misant sur la qualité des produits sont mises en avant, au même titre que les marques de distributeur du groupe. Les grandes marques doivent, quant à elles, montrer patte blanche et se contenter parfois d’emplacements moins stratégiques en linéaire. Enfin, « Le 4 » propose également à quelques marques ne travaillant pas avec la grande distribution de bénéficier d’une « invitation », qui peut ensuite déboucher, en cas de succès, sur une entrée dans les rayons des autres magasins du groupe.

LE SHOP-IN-SHOP : NOUVEAU TERRAIN D’ENTENTE

Le shop-in-shop ou « franchise corner » existe depuis longtemps dans la grande distribution. Mais jusqu’ici, il concernait essentiellement des enseignes partenaires appartenant à un même groupe. On retrouve ainsi des espaces Darty dans certaines Fnac et des corners Cdiscount dans certains magasins Casino. Mais ce qui est nouveau, c’est de voir apparaître des collaborations entre enseignes a priori concurrentes, du moins sur certaines gammes de produits.

 © Malherbe Paris

C’est notamment le cas avec Carrefour et Darty. En 2018, deux établissements Carrefour ont ainsi accueilli, au sein même des hypermarchés, des magasins Darty, qui ont remplacé les espaces « électronique et multimédia » de l’enseigne de grande distribution alimentaire. En s’appuyant sur l’expertise de Darty, Carrefour redynamise une zone qui, lorsqu’elle était gérée en propre, rencontrait des difficultés, et libère ainsi une surface de stock alors coûteuse. Le groupe Fnac-Darty, anciennement dirigé par Alexandre Bompard (aujourd’hui à la tête du groupe… Carrefour), est un pionnier en matière de shop-in-shop, puisque des corners Darty s’invitent depuis quelques années déjà dans les stations-services du réseau Total, tandis que la franchise Fnac est déjà présente chez Intermarché.

 

ANIMATION
LA PERSONNALISATION SUR LE LIEU DE VENTE, OUTIL D’ATTRACTIVITÉ EN MAGASIN

La personnalisation d’objets et de textile s’est fait une place parmi la panoplie de services des grandes surfaces. Un sujet que maîtrise particulièrement le groupe Décathlon, précurseur en la matière. Car si le marquage sportif pour particuliers reste l’activité principale de personnalisation chez le leader de la distribution d’articles de sport, l’enseigne réalise de plus en plus de marquage textile pour des PME et artisans installés dans la zone de chalandise des magasins. Ainsi, dans certains ateliers Décathlon, la gravure laser et la broderie sont venues compléter les dispositifs d’impression numérique.

Un exemple qui a convaincu les enseignes de la grande distribution alimentaire de se jeter aussi dans la bataille. Mais pas tous avec le même résultat. Première enseigne à se lancer, dès 2014, Carrefour est aussi le premier à mettre fin à l’expérience. Après avoir pris le contrôle de la société MyDesign, qui concevait les corners de personnalisation, Carrefour était monté jusqu’à près de trente hypermarchés équipés. Mais faute de résultats, le groupe a mis fin au dispositif et fermé tous les corners déployés, fin 2018.

 © E.Leclerc

Les groupes Système U, avec ses espaces « Ma Boutique », et Auchan, avec ses corners « L’Atelier », ont néanmoins emboîté le pas à leur concurrent. Tout comme le groupement E.Leclerc, qui a débuté le déploiement de ses corners de personnalisation « Styl’ », à l’initiative de certains franchisés, avec le fabricant de machines d’impression Roland DG, qui fournit à l’enseigne une solution clé en main. Mobilier, machines d’impression, logiciel, système de facturation et de commande, journées de formation du personnel, accompagnement commercial en période de lancement et accompagnement marketing font ainsi partie de l’offre globale de Roland DG. Objectif numéro un de ces corners de personnalisation d’objets et de textile : générer du trafic en magasin.

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Journaliste spécialisé dans le domaine des industries graphiques, Florent Zucca est rédacteur en chef du magazine IC LE MAG / Industries Créatives, où il analyse les opérations de personnalisation menées par les marques en matière de retail, de packaging, de décoration et de communication. Diplômé de l’ISCPA Lyon (Institut Supérieur de la Communication, de la Presse et de l’Audiovisuel), il a auparavant travaillé, pendant près de dix ans, dans la presse économique.