
Évènementiel responsable : comment la filière s’organise
Certains évènements sortent de l’ordinaire. Pour des raisons diverses, ils impactent considérablement et durablement la trajectoire de la filière. Après l’épisode malheureux du Covid, qui a eu néanmoins la vertu d’engager un mouvement salutaire vers la relocalisation, les Jeux Olympiques de Paris 2024 pourraient représenter un formidable accélérateur de transformation dans l’évènementiel. La compétition sportive a prouvé, dans l’ensemble, qu’il était possible d’organiser un évènement planétaire avec responsabilité. Tout n’a pas été parfait et il y a encore beaucoup d’efforts à mener, mais un nouveau cap décisif pourrait avoir été franchi avec les JO. L’avenir nous le dira…
En attendant, nous avons fait le choix d’aborder dans ce dossier trois secteurs évènementiels. Le sport, avec ce qui a été évoqué plus haut, semblait incontournable. La culture également, car il s’agit d’un monde en pointe sur les questions responsables, malgré un manque de moyens. Et enfin, les salons professionnels se sont imposés à nous, en raison de notre proximité avec C!Print. Un focus sur le handicap, problématique encore peu explorée dans le cadre d’une plus grande responsabilité, vous est également proposé.
Le spectre d’analyse est large, mais, bien entendu, non exhaustif. Nous avons surtout souhaité mettre en valeur des initiatives remarquables, dont tout organisateur d’évènement ou prestataire de services impliqué dans la filière, pourrait s’inspirer. Car l’évènement doit vivre. D’une façon différente que 10 ans en arrière, certes, mais il doit vivre.
SPORT
Les Jeux Olympiques de Paris 2024, l’arbre qui cache la forêt ?
L’exemple récent des Jeux Olympiques de Paris 2024 est, globalement, une grande réussite, entre actions pro-environnementales et inclusivité. Mais si des initiatives responsables commencent à émerger en France, dans le football notamment, le sport se positionne, historiquement, un peu en retrait en comparaison avec d’autres secteurs.
« Par rapport à d’autres secteurs d’activité, le sport a un peu de retard sur le plan de la responsabilité. Il vit sur son passif en diffusant l’idée qu’en pratiquant un sport, pour la plupart du temps en extérieur, on a un impact positif, car on prend soin de sa santé, on use de mobilité douce, etc. Cela coche donc certaines cases de la RSE, permettant de justifier une forme de laisser-aller », explique Nicolas Turpin, dirigeant de l’agence de communication Eko. On ne peut que constater, en effet, les décisions irrationnelles et dévastatrices d’organiser la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, avec des matchs tenus dans des stades climatisés, ou d’offrir l’organisation des Jeux asiatiques d’hiver 2029 à l’Arabie Saoudite. Dans ce monde du sport professionnel où on marche souvent sur la tête, où le soft power et le business se mêlent dangereusement, au mépris de l’urgence environnementale, des associations écologistes appellent au boycott. Et d’autres organisations agissent, pour rendre le sport, et le football notamment, plus respectueux de l’environnement.
Plus de deux millions de manifestations sont organisées, chaque année, par les clubs sportifs français. Ils rassemblent au total 16 millions de licenciés, en faisant une large base pour communiquer sur la transition environnementale. Un label créé il y a quatre ans par un ancien joueur de rugby, en collaboration avec l’ADEME, connaît un grand succès au sein de nombreux clubs sportifs : Fair Play For Planet. Ouvert à tous les sports, du monde professionnel au cercle amateur, ce label accompagne, évalue et récompense les clubs pour leur engagement environnemental. Dans le football, des clubs de l’élite comme l’Olympique Lyonnais ou le Stade Brestois se retrouvent aux côtés du club TVEC 85 des Sables d’Olonne, engagé en régional 1, au sein duquel les bouteilles en plastique sont interdites. Cela peut sembler anecdotique, mais quand on sait qu’un match de Ligue 1 de football génère en moyenne 10 tonnes de déchets, cela peut faire la différence. Autre initiative réjouissante, toujours dans le football, l’association d’intérêt général Football Écologie France s’est récemment associée à Flycup, concepteur et fabricant de packagings évènementiels, afin de promouvoir l’éco-responsabilité au sein des clubs. Conçus en Bretagne à partir de matériaux biosourcés, les solutions Flycup sont 100 % recyclables, grâce à une composition en carton et à l’absence de film plastique. Le Stade Rennais, l’OGC Nice, ou le Paris Saint-Germain les ont déjà adoptées.
Les imprimeurs français déçus par les JO
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 devaient être les plus responsables de l’histoire. Ce fut certainement le cas, mais tout n’était pas parfait. Les imprimeurs français n’ont, semble-t-il, pas été invités à la fête. Plusieurs d’entre eux nous ont témoigné leur déception. « Nous avons été écartés du tour de table, car les tarifs de nos prestations ont été jugés trop élevés. Tout ou presque est parti en Pologne, dans des ateliers utilisant des matières moins responsables, des machines moins modernes et une main d’œuvre moins qualifiée qu’en France. Sans parler de l’impact du transport pour rapatrier les impressions. C’est un peu écœurant », témoigne un imprimeur parisien ayant pignon sur rue, sous couvert d’anonymat.
Denis Naegelen (Internationaux de tennis de Strasbourg) : « Nous sommes le seul évènement sportif français certifié bas carbone »

Entre révision de 80 process de production et bilans carbones régulier, le tournoi de tennis féminin de Strasbourg est érigé, à raison, par l’ADEME, comme un exemple pour le monde sportif. Mais Denis Naegelen, son directeur depuis 2009, ne compte pas s’arrêter là.
Propos recueillis par Bertrand Genevi
Comment vous est venue l’idée d’organiser un tournoi de tennis éco-responsable ?
Un appel d’offres a été lancé en 2009 pour le rachat du tournoi. Compte tenu de mes origines alsaciennes, de mon profil d’ex-joueur professionnel et de spécialiste du marketing sportif, j’ai senti comme un devoir de me porter candidat. En montant le dossier, je me suis rendu compte que je n’avais plus envie d’opérer de la même façon qu’auparavant. Il s’agissait de gagner de l’argent, bien sûr, mais en étant utile. Mon engagement était triple : changer la réputation de l’événement, travailler sur la parité hommes-femmes, et être éco-responsable. Selon moi, un événement porte des messages. C’est un média. Et quand on organise un tournoi de tennis féminin, on a la capacité de faire passer des messages importants pour la société. J’ai notamment choisi l’éco-responsabilité, parce que la ville de Strasbourg était très en avance sur ce sujet, du fait de sa proximité avec l’Allemagne. Tous ces éléments m’ont fait réfléchir et je me suis dit que, pour l’avenir de ma famille et de la planète, il fallait que chacun prenne sa part. En tant qu’organisateur d’un tournoi de tennis, j’allais le faire.
Il s’agissait aussi de répondre aux attaques dont le monde du tennis est régulièrement l’objet, au sujet de son impact environnemental ?
C’est un faux sujet et ça le restera. Non pas que l’empreinte des joueuses n’est pas lourde, bien sûr qu’elle l’est, mais ces femmes ne sont reconnues que parce qu’elles jouent sur un circuit mondial. Il faut arrêter de penser qu’elles polluent. Elles exercent leur métier et n’ont pas d’autres solutions pour le faire. Il n’est possible qu’en allant de ville en ville, et souvent de continent en continent. Mais il faut savoir qu’une joueuse américaine venant jouer à Strasbourg ne se déplace pas uniquement pour notre tournoi. Elle se rend aussi à Madrid, Rome, Paris, ou Londres, avant de repartir aux Etats-Unis. Donc son empreinte carbone liée à ses déplacements n’est pas si monstrueuse, il existe une cohérence en termes de circuit.
Comment la transformation de votre évènement s’est-elle opérée ?
C’était très compliqué, car à l’époque, en 2009, je ne connaissais rien ou presque à l’éco-responsabilité. Je me suis donc rapproché de l’ADEME, l’agence de la transition écologique, qui nous a guidé. Nous sommes rapidement arrivés à la conclusion que, pour progresser, il fallait établir un état des lieux, et pour ce faire, un bilan carbone s’avère incontournable. J’ai ainsi pu mesurer et comprendre qu’en tant qu’organisateur d’événement, on laisse une lourde empreinte carbone, mais qui peut se voir réduite quand on utilise les bons process. Aujourd’hui, l’ADEME a délégué notre suivi à une association, Éco-manifestations Alsace. Un responsable nous accompagne dans les certifications suite à nos bilans carbone. Nous sommes en relation bimensuelle, pour vérifier si notre politique d’achat est responsable, si notre communication est correcte, etc.
Quelles actions avez-vous menées sur le plan de la communication ?
Un des supports de base pour communiquer, c’est l’affiche. Pour ma première édition en tant que directeur du tournoi, 20 000 affiches devaient être imprimées. J’ai consulté les professionnels de la région en leur faisant part de mes exigences. J’ai reçu dix propositions et nous avons choisi la plus éco-responsable. A l’époque, un seul imprimeur me proposait du papier recyclé et des encres écologiques. Cela coûtait 40 % de plus que le moins disant, donc nous avons connu quelques difficultés financières les trois premières années. Parce que quand vous appliquez ce type de raisonnement et de choix à tous les achats auprès de vos prestataires, les charges explosent. Mais au fur et à mesure, le monde a changé et de plus en plus d’entreprises ont pris conscience qu’elles devaient faire leur part. Pour un imprimeur, ça touche au papier recyclé et aux encres, et c’est chose courante depuis plusieurs années.
Quel a été le résultat de votre dernier bilan carbone ?
Au total, nous avons changé 80 process de production d’un événement de tennis, et tous les 3 ans, nous réalisons un bilan carbone. Le dernier, réalisé en 2023, montre qu’on a réduit de 60 % la trace carbone par spectateur, sur les quatre dernières années. Il devient difficile d’arriver plus bas. Des experts nous ont expliqué que nous étions à 254 tonnes équivalent carbone… C’est formidable, mais que fait-on ensuite ? La compensation s’est imposée. Je souhaitais agir au niveau local. Chaque spectateur du tournoi devait avoir le sentiment de participer à la reforestation de l’Alsace. Cela coûte dix fois plus cher qu’à l’étranger, mais on a commencé à planter des arbres dans la forêt de Mollkirch, qui était en train de mourir. Cette action, qui a permis de de séquestrer 586 tonnes équivalent carbone, alors qu’on en avait 254 à compenser, a été saluée par le ministère de l’Environnement. Nous avons reçu le label bas carbone. En France, aucun autre événement de sport n’a reçu une telle distinction. Peu importe qu’on soit les premiers. Le sujet, c’est être utile et je pense que mon tournoi l’est, parce qu’on réduit notre trace carbone, on fait notre part, et on le dit.
Comment communiquez-vous sur votre action ?
Le tournoi est diffusé dans 170 pays dans le monde, donc nous devons agir en tant que messager d’actions éco-responsables auprès des médias. Une cinquantaine de journalistes sont présents pendant la semaine et on leur parle de nos engagements, pour qu’ils relaient. Pendant un match de tennis, il existe des temps morts, et ils en profitent pour évoquer « l’événement le plus green du tennis mondial ». Du côté des sponsors, à chaque réunion de préparation, nous leur parlons de ces sujets pour leur demander comment ils agissent. Je suis prêt à stopper un partenariat si je ne suis pas convaincu. Et ça marche ! Par exemple, BMW a décidé de ne présenter que des voitures électriques sur leur stand. Engie nous a encouragé dans notre démarche, et la direction communique lors du tournoi sur leurs actions dans le voltaïque ou l’hydraulique. Et au-delà de questions environnementales, la parité, l’inclusivité et le handicap sont aussi des sujets importants, que nous abordons dans toutes nos communications. Pour résumer, je ne pense pas que les Internationaux de Strasbourg vont changer le monde, mais chacun doit faire sa part. Et quand on a la chance d’être un messager, il faut utiliser le support de communication que représente un événement comme le nôtre pour porter la bonne parole.
Signalétique éphémère : comment Oxy a répondu au défi des JO

Avec l’explosion des flux d’usagers induite par les Jeux Olympiques, la signalétique posée dans les gares était d’une importance cruciale. Sébastien Trautmann, dirigeant d’Oxysign, entreprise du sud de la France régulièrement sollicitée dans le cadre de grands évènements organisés sur notre sol, comme l’Euro de football 2016 ou la Coupe du monde de rugby 2023, nous explique comment ses équipes ont fait face aux demandes de la SNCF.
Quelles étaient les attentes de la SNCF dans le cadre des JO de Paris 2024 ?
La SNCF est cliente chez nous depuis une trentaine d’années sur la partie matériel roulant. Et depuis trois ans, ils nous font également confiance pour leurs gares. Dans le cadre des Jeux Olympiques, les besoins en communication étaient considérables. Nous avons posé de la signalétique dans plus de 50 gares, en région parisienne, mais également dans les villes qui accueillaient des épreuves en régions, comme Marseille, Nice, Lyon, Lille, Châteauroux, ou Toulouse.
Dans les grandes gares parisiennes, la signalétique était absolument nécessaire pour gérer l’explosion des flux. La SNCF n’a pas fait appel à nous pour des pavoisements ou de la décoration, mais plutôt pour des dispositifs fonctionnels, d’orientation et de circulation, afin de faire en sorte que la surprésence d’usagers ne crée pas de difficultés particulières au sein des gares.
Quels types de supports de communication ont été investis ?
De nombreux marquages au sol ont été installés. Des dispositifs verticaux ont également été choisis par la SNCF, qu’ils soient souples ou rigides. Nous avons touché à tous types de supports, même parfois directement sur des poteaux en béton. En gros, dès qu’il existait une surface suffisante pour afficher une communication, nous l’avons investie. Les couleurs de la charte graphique des JO, avec un rose omniprésent, ont également aidé en termes de visibilité pour les usagers.
L’impression et la pose de la signalétique ont été gérés chez vous, en interne ?
Oui, de A à Z. La SNCF intégrait une charte issue des directives du comité olympique. Sur cette base, nous avons réalisé un gros travail de graphisme pour adapter les visuels selon les supports et les sites d’installation. Trois graphistes à temps plein ont été mobilisés pendant plusieurs mois. Des études ont été réalisées sur tous les sites pour trouver un bon compromis en termes d’adhésifs entre tenir sur la durée, mais sans trop compliquer la dépose ou dégrader le support, notamment sur des murs peints. L’ensemble de la signalétique a été imprimée dans nos ateliers d’Aubagne et de Clichy.
Ensuite, nous avons aussi géré la pose des éléments, qui n’est pas simple, parce qu’elle se déroule généralement de nuit. Et en l’occurrence, nous étions par ailleurs dans l’urgence sur certaines gares, car les contenus finaux sont arrivés très tard. Mais tout s’est bien déroulé dans l’ensemble.
La dépose a fait l’objet d’un soin particulier…
A l’image de la pose, la dépose n’est pas toujours chose aisée. Elle demande des outils spécifiques et des techniques particulières, notamment pour le marquage au sol, où c’est le plus compliqué. Le dispositif installé a duré plusieurs mois, avec un passage total qui se compte en millions de personnes. Dans ce contexte, rendre le support parfaitement propre après la dépose était l’un de nos objectifs. Puis nous avons enchaîné sur la revalorisation des adhésifs.
Il faut savoir qu’il existe différents types de revalorisation chez Oxysign. En production, toutes nos chutes de films PVC sont triées et orientées vers une filière de réutilisation industrielle, en collaboration avec notre fournisseur Hexis. Nous avons suivi la même démarche de recyclage pour les supports de communication spécial JO retirés dans les gares, adhésifs comme Dibond.
« La communication par l’objet est beaucoup plus efficace que la publicité TV lors d’évènements sportifs »

Enseignant-chercheur à l’ICD Blagnac, Florian Escoubès a soutenu une thèse de doctorat sur l’impact inconscient et affectif du sponsoring sportif auprès des spectateurs assistant à de grands évènements. Il nous expose dans l’entretien qui suit en quoi les objets publicitaires ont toute légitimité dans le monde du sport de haut niveau.
Quelle importance revêtent les objets publicitaires distribués dans le cadre d’évènements sportifs ?
Ils sont essentiels, car ils cristallisent toutes les émotions ressenties lors d’un évènement. Par exemple, un t-shirt offert après un marathon sera chargé de l’ensemble des sentiments vécus par un coureur, dans sa préparation comme pendant sa course. Lors de mes études terrain, j’ai constaté qu’il était inconcevable, pour l’immense majorité des participants, de ne pas recevoir de récompense en fin de course. On retrouve également cette force de représentation dans les objets distribués sur le Tour de France, qui ne sont pas perçus comme des déchets par les spectateurs et qui sont donc généralement conservés sur un temps long. Or l’attachement émotionnel influe sur notre mémoire et notre relation inconsciente aux marques. Il joue notamment sur notre façon de consommer et notre confiance dans certains produits.
Ce pouvoir des émotions est-il différent selon le contexte ?
Un élément important tient dans le lien préexistant avec l’annonceur. Si un individu n’en possède aucun, son jugement se fait uniquement sur la qualité de l’objet publicitaire qu’il reçoit. En revanche, s’il existe un lien préalable avec l’annonceur, un transfert s’opère, car le sport agit comme un révélateur d’émotions. Tout à leur joie d’avoir obtenu un billet et de participer à la fête, les spectateurs se rendant à la Coupe du Monde de rugby ou aux Jeux Olympiques seront incontestablement emplis d’émotions positives, et les objets distribués dans le stade, comme des gobelets réutilisables par exemple, agiront comme supports pour ces émotions. Cet état de fait explique pourquoi on les rapporte à la maison. Ils sont consignés, on pourrait en récupérer un euro symbolique, mais on préfère les conserver comme souvenir de l’évènement auquel on a assisté. L’objet, ainsi investi du moment passé, gagne une valeur supplémentaire, celle du souvenir.
Quels mécanismes inconscients s’enclenchent dans l’esprit des spectateurs ?
L’objet représente la seule trace tangible d’un phénomène immatériel, en l’occurrence l’évènement sportif vécu. Les billets d’entrée sont de plus en plus dématérialisés, donc la seule chose physique qui reste, c’est le produit publicitaire. Pour les annonceurs, il s’agit d’une opportunité intéressante, car les spectateurs évoluent dans un contexte favorable, de loisirs ou de passion. Les entreprises présentes au même moment, dans un effet de halo, vont donc bénéficier d’une plus grande réceptivité à leurs messages de communication. On le remarque d’autant plus auprès de clients invités à des évènements sportifs majeurs. Ils se sentent privilégiés, donc s’ils reçoivent un objet publicitaire à cette occasion, il y a de fortes chances pour qu’ils restituent ce don par un contre-don. Ce dernier peut prendre la forme d’une publicité positive auprès de l’entourage professionnel ou personnel, ou tout simplement la conservation de l’objet, et donc son exposition à autrui. Il s’agit d’un phénomène de dette psychologique que nous avons tous expérimenté.
Un objet publicitaire peut-il rivaliser, en termes d’impact, face une publicité TV ?
Les communicants ont tendance à sous-estimer la puissance du mécanisme de contre-don. Depuis toujours, les êtres humains s’offrent des objets, pour diverses raisons. C’est un phénomène culturel profondément ancré en chacun de nous. C’est l’une des raisons pour lesquelles la communication par l’objet est beaucoup plus efficace que la publicité TV lors d’évènements sportifs. Cela tient aussi au nombre faramineux de spots auxquels nous sommes exposés, qui aboutit à une forme d’infobésité. A l’inverse, un gobelet obtenu lors d’un match de la Coupe du Monde de rugby possède un caractère unique. Plusieurs mois après l’évènement, le receveur se souviendra exactement du contexte de son obtention et, en sus, il sera exposé à l’annonceur à chaque utilisation de l’objet. En revanche, la mémoire humaine ne permet pas de lister les publicités TV auxquelles un individu a été soumis six mois en arrière, à la mi-temps d’un match de rugby. Sans parler des stratégies d’évitement publicitaire, comme le fait de changer de chaîne, de se lever ou de jeter un œil sur son téléphone.
Existe-t-il des attentes différentes, selon les sports, en termes d’objets ?
Chaque sport possède une culture particulière et quand on offre des objets publicitaires, il est important de s’y plier et de respecter les codes en place. Dans le rugby, par exemple, le rose constitue une couleur patrimoniale, car elle y est historiquement associée à la représentation de la virilité. A l’inverse, un objet rose ne va pas être reçu de la même façon dans le football, car les codes culturels sont très différents. De la même façon, le béret est un objet publicitaire typique du rugby, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Pour un annonceur, le paramètre le plus important est d’être crédible aux yeux du receveur. L’enjeu tient donc dans le fait d’offrir un produit signifiant, en accord avec le public auquel il s’adresse. Les agences-conseil en objets publicitaires ont un rôle essentiel à jouer sur le sujet. Viser juste est vital, car avec l’objet, un annonceur matérialise le lien qu’il possède avec ses clients.
-Propos recueillis par Bertrand Genevi
Un guide des bonnes pratiques dans l’évènementiel édité par la fédération de l’objet publicitaire
Souvent montrée du doigt, par le grand public comme par les politiques, la filière de l’objet publicitaire a pourtant opéré un virage à 180 degrés, en quelques années seulement. Focus sur une production plus locale, éco-conception grandissante : les efforts se multiplient. Pour en attester, la 2FPCO, fédération française de l’objet publicitaire, a édité un guide des bonnes pratiques dans l’évènementiel. Au menu, 18 pages didactiques rédigées par une vingtaine d’experts de la filière, incluant notamment une analyse du rôle et de l’impact des objets publicitaires lors d’évènements, des case studies et des témoignages. Un document utile, battant en brèche certaines idées reçues, à obtenir sur demande auprès de la 2FPCO.
CULTURE
Les festivals de musique se mettent au vert
Sans forcément avoir beaucoup de moyens, le monde de la musique se mobilise et se positionne à l’avant-garde dans le secteur culturel, des petits festivals locaux aux évènements plus imposants. Et une poignée d’artistes internationaux, à l’image de Coldplay ou Radiohead, tentent également de montrer l’exemple dans le cadre de tournées mondiales.
Près de 6 000 festivals culturels se déroulent chaque année en France. Plus de la moitié émergent dans le domaine musical, donc les pratiques à l’œuvre dans le secteur sont scrutées. Bonne nouvelle, les initiatives vertueuses ne manquent pas, des petits évènements locaux aux manifestations d’envergure nationale. Les gobelets réutilisables, les toilettes sèches et des efforts sur le tri et le nettoyage des sites sont aujourd’hui largement répandus. « Les festivals de musique sont impliqués sur le sujet depuis longtemps, notamment parce qu’ils sont soumis à la pression de leurs festivaliers. Mais dans le monde culturel, il y a moins de moyens que dans les événements d’entreprise. Donc certains bricolent un peu. On aurait envie que ça aille plus vite, mais tout le monde n’est pas Solidays ou We Love Green », souligne Nicolas Turpin, dirigeant de l’agence évènementielle Eko. Pour pallier un manque de moyens, certains petits évènements ne manquent pas de créativité, à l’image du Cabaret vert, basé à Charleville-Mézières (Ardennes). Dans un souci de circuit court et de valorisation du savoir-faire local, le festival exige que ses prestataires se situent à moins de 200 km du site. Une trentaine de structures locales bénéficient de la banque solidaire de prêt de matériel de l’évènement, et 75 % de l’énergie consommé sur place provient d’une source bas carbone.
Du côté des gros évènements musicaux, l’une des solutions pourrait émerger de la mise en réseau et de la mutualisation, qui ne sont pas encore suffisamment partagées par les diffuseurs. Ces derniers préférant souvent concentrer leurs efforts sur la promotion de leurs événements, sans s’ouvrir à une démarche de coopération qui permettrait de grouper les concerts. « L’idée de faire moins, mais mieux s’applique aussi dans le milieu musical, avance Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’ADEME. Si deux festivals se concurrencent sur un même territoire, il peut être envisageable d’en organiser un seul. Il faut travailler ensemble autrement, en construisant des projets pérennes de partage. » Dans une forme de radicalité, certains artistes, à l’image des populaires Shaka Ponk, refusent désormais de tourner, afin de prendre le temps de repenser à une solution répondant à l’urgence climatique. Comportement que les artistes moins en vue ne peuvent pas se permettre, au risque de s’invisibiliser professionnellement… Et, d’ailleurs, qui a envie que les concerts disparaissent ? Certainement pas nous.
Coldplay, entre greenwashing et effort louable ?
Les stars de Coldplay ont présenté leur dernière tournée mondiale « Music of the Spheres », passée notamment par le stade de France, comme étant la plus écologique possible. Parmi les initiatives présentées sur un site dédié, les Britanniques détaillent leurs engagements : panneaux solaires, sol cinétique pour la fosse, écrans basse énergie, bracelets LED et compostables pour le public, etc. Il faut reconnaître que l’effort d’un groupe avec une telle notoriété est louable. Mais la scénographie reste gargantuesque, demandant 30 semi-remorques sur la route pour transporter le matériel, ainsi que de faire appel à du fret aérien entre chaque continent. Sans parler de l’impact des quelques 300 000 spectateurs qui se sont rendus aux deux dates françaises de la tournée. Alors, initiative gadget destinée à se donner bonne conscience ou premiers pas courageux ? On vous laisse juge.
Marianne Hocquard (We Love Green) : « Le règlement de nos prestataires est conditionné à la réception de leur bilan carbone »

Tout est dans le nom. Organisé en région parisienne depuis 2011, We Love Green est un festival de musique pionnier en France, agissant sur toutes les dimensions de la responsabilité. Marianne Hocquard, responsable RSE de l’évènement, nous en dit plus.
Propos recueillis par Bertrand Genevi
Faut-il en finir avec les grands festivals dans un monde qui brûle ?
Les grands rassemblements représentent une opportunité de faire passer des messages. A l’origine, We Love Green a été créé pour sensibiliser notre public et nos parties prenantes aux enjeux du développement durable. Attirer 40 000 personnes par jour, c’est plus impactant que d’en attirer 2 000, mais c’est aussi plus impactant socialement parlant, en termes de sensibilisation. Aujourd’hui, nos festivaliers mangent végétarien, parce qu’on ne sert que ce type de nourriture. Au détour d’un concert, ils peuvent passent devant une conférence et être interpellés par le discours de militants ou d’une ONG. Les festivaliers repartent avec de nouvelles idées et des habitudes déroutées. Alors, oui, nous avons pris beaucoup d’ampleur au fil des années, mais on est toujours dans cette démarche de calcul et de maîtrise de notre impact. Quand on analyse le ratio par festivalier, notre bilan carbone a baissé.
Comment un festival peut-il se développer en conservant ses belles idées de départ ?
Tous les préceptes de départ ont été maintenus, comme par exemple l’usage de zéro générateur à diesel, et une charte de restauration avec des critères de localité et de saisonnalité. Il n’est pas incompatible de garder des principes de production éco-responsables quand on devient un grand festival. Cela suppose simplement plus de travail et de contrôle. Aujourd’hui, nous collaborons avec plus de 200 prestataires et nous avons durci notre cahier des charges depuis notre lancement. Collecter les données de ces partenaires pour définir notre bilan carbone prend beaucoup de temps, mais on trouve des mécanismes et des astuces pour engager ces parties prenantes. Par exemple, à partir de l’édition 2023, nous avons conditionné le versement du règlement de nos prestataires à la réception de leur bilan carbone. Ils sont obligés de nous envoyer les informations sur leur mode de transport, l’origine et le poids de chargement, etc. Chaque année, on essaie d’innover sur une thématique, avec des tests à petite échelle, d’abord, afin d’observer les axes d’amélioration. Et ensuite, nous pouvons les déployer à plus grande échelle l’année suivante.
Un festival s’apparente à une micro-société. Est-ce que vous vous emparez de cette spécificité pour agir comme un laboratoire ?
Oui, c’est aussi l’un des objectifs de We Love Green. Prenons l’exemple de l’énergie. Nous avons été le premier événement à utiliser des générateurs à biocarburant. On a dû batailler auprès des autorités pour avoir le droit de le faire dans l’événementiel. Depuis, cet usage s’est démocratisé. De la même façon, lors de l’édition 2024, nous avons lancé une grande étude d’impact sur la biodiversité, touchant notamment aux oiseaux, aux chauves-souris, et à la microfaune dans les sols. Des mesures avant et après le festival sont enregistrées. C’est un sujet qui intéresse la filière événementielle dans son ensemble, pas uniquement les festivals. Donc nous faisons office de laboratoire sur le sujet, en collaboration avec des chercheurs du Museum d’histoire naturelle de Paris. Cela nous permettra d’obtenir des résultats tangibles et robustes, comparables d’une année sur l’autre.
Quels sont vos engagements en termes de structures des scènes ?
Nous louons toutes les structures auprès de prestataires. Et on essaie d’agir auprès d’eux pour faire évoluer leur manière de faire. Dans le cadre de notre bilan carbone, nous nous sommes aperçu qu’un prestataire sortait du lot, car il était basé dans le Sud de la France. Nous l’avons donc incité à relocaliser une partie de son entrepôt en région parisienne. Il travaille avec plusieurs festivals franciliens, donc il a accédé à notre demande. Un autre axe de travail consiste à inciter les productions à plus de sobriété. On met à disposition des structures scéniques basiques, qui suffisent la plupart du temps. Mais les têtes d’affiches souhaitent souvent venir avec leur propre matériel. Donc dès les premières discussions sur la venue des artistes, on leur transmet notre charte, afin qu’ils s’inscrivent en cohérence. Sachant qu’à partir de 2023, des clauses limitant les puissances énergétiques sur les différentes scènes ont été mises en place. Cela incite de fait les productions à penser à des shows plus sobres.
Est-ce que des évènements issus d’autres filières vous inspirent ?
J’ai eu l’occasion d’être invitée sur les sites des JO de Paris 2024, et j’ai été frappée par la qualité de la signalétique de tri. Elle était très bien réalisée, donc cela m’inspire, car sur We Love Green, on se creuse la tête depuis des années pour concevoir une signalétique efficace, mais le sujet reste d’actualité chez nous. Sur la question du tri et du réemploi, on voit apparaître de plus en plus de collaborations et les JO en sont un parfait exemple. Le comité d’organisation de Paris 2024 a mis en place une plateforme de récupération pour les matériaux. De notre côté, on a déjà récupéré des panneaux utilisés lors de la journée paralympique organisée en 2023, pour réaliser la scénographie de l’espace conférences de We Love Green 2024. Nous allons donc étudier les possibilités de récupérer de nouveaux éléments pour notre édition 2025. Il est toujours intéressant de pouvoir croiser les métiers et les filières évènementielles.
Un aspect RSE vous échappe-t-il encore ?
Quand on travaille sur la responsabilité, on se heurte constamment à des limites. Tout notre travail consiste à tenter de les dépasser. Il faut dire que les limites sont avant tout financières. C’est un énorme investissement de travailler sur ces sujets, car tout est plus cher… On sème une petite graine au niveau d’un festival, à Paris. Si toute la filière évènementielle y travaillait, on pourrait aller plus loin. Le design des shows et la scénographie restent un sujet majeur. C’est le deuxième poste de notre bilan carbone. Est-ce qu’on a vraiment besoin de débarquer avec plusieurs dizaines de camions ? Quand on voit ce qui se passe dans les stades pour les concerts de Taylor Swift, on frise la folie. Sur la base de ce constat, j’ai parfois tendance à me dire : tous nos efforts en tant que festival sont importants, mais à quoi bon ? Il faut aussi un engagement fort des artistes et des productions à une échelle plus globale.
SALONS
Les évènements professionnels opèrent leur mue
Une stratégie work in progress s’installe au cœur de l’organisation des salons. Sur C!Print notamment, plusieurs mesures ont été mises en place pour limiter l’impact de l’évènement. Cette démarche d’amélioration continue vise à créer un écosystème vertueux en étroite collaboration avec les exposants, les visiteurs et les partenaires.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Sur C!Print, diverses actions sont engagées par l’organisation pour gagner en responsabilité. En amont du salon, des formations précises sont réalisées auprès des exposants et des standistes, et des outils de communication didactiques sont édités, en collaboration avec Eurexpo et Paprec Recyclage. Pendant et après le salon, la gestion raisonnée de l’énergie, la pérennité de la signalétique, ou encore le tri et le recyclage sont largement déployés. C!Print n’est pas un cas isolé. « De nombreux salons professionnels se montrent très impliqués, comme le World Impact Summit, qui traite de la transition écologique à Bordeaux, ou ChangeNOW, à Paris. Mais il est un peu difficile de généraliser cet investissement dans la responsabilité à l’ensemble de la filière des salons. Le niveau d’implication dépend des stratégies d’entreprise et des dirigeants qui portent l’événement », explique NicolasTurpin, fondateur de l’agence de communication Eko.
Si l’éco-conception des stands constitue un vrai sujet pour avancer dans le bon sens, cela ne suffit pas. « L’organisateur du salon détient les clés, plus que les exposants, martèle Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’ADEME. S’il n’est pas dans une réflexion complète d’éco-conception et de facilitation pour éco-concevoir, un stand en bois sera inopérant. Le tri et le réemploi doivent être encouragés. Si les organisateurs ne parlent pas assez de ces sujets dans leur cahier des charges et s’ils n’agissent pas sincèrement, tous les stands ne seront pas éco-conçus. Or on ne peut pas se satisfaire de quelques bons élèves. De la même façon, si un salon présente une débauche de lumières ou d’écrans numériques, l’éco-conception d’un stand devient un peu paradoxale. Il est nécessaire de fixer un cadre, qui peut sembler draconien pour certains, mais le positionnement doit être clair. »
Les conférences, une offre essentielle pour appuyer l’action
Au-delà des engagements pris par les organisateurs de salons sur des problématiques de tri ou de réemploi, une brique supplémentaire se montre essentielle pour soutenir leur façon d’agir. Un solide programme de contenu, fait de tables rondes et de conférences, est indispensable. Et ce n’est pas réservé uniquement aux salons centrés sur des questions environnementales. « Quel salon professionnel français ne se prête pas aux sujets de transition écologique ? En France, il y en a peu qui ne proposent pas, a minima, une conférence. C’est une bonne chose. Mais il faut être cohérent sur le fond et sur la forme, et ne pas verser dans le greenwashing. La communication responsable se définit comme un alignement à 360 degrés », explique Valérie Martin, de l’ADEME.
Émilie Esparon (Viva Technology) : « Quand on ne structure pas, on ne peut pas mesurer, et quand on ne peut pas mesurer, on ne peut pas s’améliorer »

Chaque année, Viva Technology attire à Paris 165 000 visiteurs. Rendez-vous incontournable pour suivre les tendances technologiques et comprendre la transformation des industries, l’évènement va fêter ses 10 ans. Émilie Esparon, directrice RSE de l’évènement, fait le point.
Propos recueillis par Bertrand Genevi
En quoi Viva Technology peut-il être considéré comme un évènement responsable ?
Sur le volet environnemental, tout un travail est fait sur notre production, afin qu’elle soit la plus éco-responsable possible. Notre concept scénographique s’articule autourdu « less is more ». Aujourd’hui, 95 % de nos matériaux sont revalorisés. Par exemple, nos corners start-ups sont les mêmes depuis 2019 et nos scènes de conférences sont pensées pour durer au minimum trois ans. On essaie aussi d’influencer notre écosystème, exposants comme partenaires. La récolte des données auprès d’eux est essentielle pour calculer notre bilan carbone. On les guide également sur leur contenu, et les enjeux environnementaux et sociauxsont présents dans toutes nos conférences. Autre élément, on veut faire la tech avec tout le monde. Les femmes sont mises en avant dans notre programmation : l’année dernière, 41 % de femmes étaient sur scène. Les jeunes sont aussi une source de préoccupation.On tente de faire connaître les métiers du numérique en accueillant 25 000 étudiants, issus de tous horizons, grandes écoles ou non.
Le plus gros impact dans un évènement d’envergure internationale comme le vôtre, c’est la venue des visiteurs. Comment adressez-vous cette problématique ?
La première chose à faire, c’est calculer précisément notre bilan carbone. Aujourd’hui, 93 % de celui-ci correspond au déplacement des visiteurs. C’est pourquoi on encouragela mobilité douce. Nous mettons de plus en plus en avant l’accessibilité de l’événement par les transports en commun. L’année dernière, un parc à vélos a été inauguré. Et sur les populations que nous maîtrisons, comme les journalistes, on les encourage à prendre le train, via des partenariats avec la SNCF ou leurs homologues européens. Pour les conférenciers, c’est pareil. S’ils habitent à l’étranger, nous poussons pour mutualiser leur venue avec d’autres évènements en Europe ou en France. Pour les visiteurs lambda, il est possible de calculer son propre bilan carbone, pour comprendre son impact et choisir de l’adapter.
Existe-t-il une grande différence entre la proposition de votre première édition et ce que vous prévoyez pour 2025 ?
Quand Viva Technology a été lancé, c’était un pari. Aujourd’hui, l’événement possède une résonance énorme, mais il intègre aussi un rôle et un devoir. La RSE est dans l’ADN depuis le début, mais ce n’était pas forcément structuré. Et quand on ne structure pas, on ne peut pas mesurer, et quand on ne peut pas mesurer, on ne peut pas s’améliorer. Il y a un gros travail qui a été fait et la gouvernance a changé. Par exemple, j’ai désormais trois personnes dans mon équipe RSE, alors que j’étais seule à mon arrivée. Un autre pas important a été concrétisé récemment. Nous avons obtenu une certification ISO 20121 en mai 2024, qui valide un système de management responsable appliqué à l’évènementiel, après un effort conséquent de deux ans. Nous ne l’avons pas fait pour décrocher le label, mais pour définir une méthode. Dans le cadre de cette certification, il est exigé d’établir une politique RSE précise, en se posant la question de nos enjeux. Nous avons donc défini quatre piliers, en collaboration avec nos parties prenantes.
Quels sont les quatre piliers que vous avez définis ?
Le premier, c’est l’environnement, en comprenant et en tentant de réduire notre empreinte environnementale. Le deuxième pilier correspond au fait d’œuvrer pour une technologie plus inclusive. On y aborde les sujets de la parité, de l’égalité des chances, etc. Le troisième pilier, c’est l’importance d’avoir un rôle pédagogique. Nous nous devons de présenter des solutions et des startups qui vont avoir un impact concret et positif sur l’environnement et la société. Et le quatrième pilier tient dans le collectif et les sujets RH en interne, ou comment s’articule VivaTech en tant qu’entreprise. Sur la base de ces quatre piliers, une feuille de route a été déclinée, avec des KPI mesurés régulièrement. Le schéma idéal ou presque serait que notre pôle RSE disparaisse. Cela signifierait que ces questions sont totalement intégrées au sein de l’organisation.
Comment pousser le curseur de la responsabilité encore plus loin ?
Le premier sujet à adresser tient dans la lisibilité de nos engagements. Nous lançons de nombreuses actions, mais on connaît parfois quelques difficultés à les rendre perceptibles par les visiteurs. Par exemple, l’année dernière, un espace de 1 500 m2 était dédié aux start-ups et associations ayant un impact positif sur l’environnement. Sachant qu’il existe d’autres exposants sur VivaTech travaillant sur le sujet, comment fait-on, en termes de visibilité, pour que les visiteurs se rendent compte que la RSE infuse partout ? La deuxième problématique est d’attirer plus de responsables RSE de grands groupes, au-delà des start-ups. Notre salon doit devenir un événement incontournable dans leur agenda, parce qu’aujourd’hui, la technologie est dans nos vies et il faut qu’on l’utilise comme un outil. Le dernier point est peut-être ambitieux, mais je pense que notre rôle tient aussi à faire émerger la prochaine « Léa Musk », une femme de la tech qui régnera sur le secteur.
Handicap et inclusivité : des initiatives encore timides
La responsabilité d’un évènement ne tient pas uniquement à son bilan carbone. L’accueil des personnes en situation de handicap est aussi un sujet d’importance. S’il semble enfin pris en main par les organisateurs, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour développer l’accessibilité et l’inclusivité lors d’évènements, quelle que soit leur nature.
En France, pas moins de 12 millions de personnes sont en situation de handicap. Au sein de cette population, 2,5 millions souffrent de mobilité réduite ou sont atteints d’une déficience visuelle. Pour autant, l’accessibilité aux événements est loin d’être acquise pour les personnes en situation de handicap. « Il y a encore beaucoup de progrès à faire, reconnaît Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’ADEME. On doit travailler sur les cheminements, la sécurité, la communication, etc. Cela implique une tout autre manière de concevoir un évènement, qui s’anticipe bien en amont. »
LE FALC EN PROGRESSION
Dans la notion de responsabilité évènementielle, la question environnementale commence à être bien traitée. En revanche, le handicap est encore peu adressé. « On constate lors de nos prises de contact avec des évènements que, la plupart du temps, la seule dimension RSE qui les intéresse, c’est l’écologie, se désole Chrystelle Danel, co-dirigeante de PAIPS, une structure lyonnaise impliquée dans la formation à la méthode Facile à lire et à comprendre (FALC). Les organisateurs demandent des eco cups, et cela leur suffit… On ne sait pas comment accueillir les personnes en situation de handicap, en général, dans notre vie. Donc dans le domaine professionnel, sur des événements, c’est encore plus compliqué quand on n’a pas cette sensibilité. Ce n’est pas encore une démarche qui se fait naturellement. »
Il faut toutefois reconnaître que la prise en compte du sujet du handicap progresse depuis quelque temps. L’inclusion gagne, enfin, du terrain dans l’évènementiel, et de nombreuses associations et prestataires se mobilisent, en collaboration avec les organisateurs, afin de proposer des solutions adaptées à tous les publics. PAIPS a par exemple rédigé, en FALC, l’ensemble des menus des espaces de restauration lors de la dernière Fête des Lumières, à Lyon.
Car si le handicap visuel pose des défis particuliers dans le domaine de l’événementiel, avec des solutions adéquates, il est tout à fait possible d’organiser des événements inclusifs et accessibles pour les personnes atteintes de déficience visuelle. Parmi les pratiques à appliquer, citons l’accessibilité de l’information (supports de communication en braille ou en gros caractères, site respectant les normes d’accessibilité WCAG, descriptions audio des visuels ou vidéos diffusés), une signalétique ad hoc (plan tactile ou balises en braille, utilisation de couleurs contrastées sur les panneaux), l’assistance sur place (accompagnement humain, technologies sonores), un contenu adapté (description des visuels lors de conférences, ateliers sensoriels basés sur d’autres sens que la vue), une emphase sur la sécurité (chemins dégagés, balisage sonore), et la sensibilisation (formation des équipes évènementielles, information des autres publics).

Une formation spécifique en signalétique montée par la FESPA
La formation « Sign’Accessibilité l’Expertise » proposée par la FESPA, d’une durée d’une journée, vise à former toute personne impliquée dans la conception ou l’installation de signalétique dans des lieux publics ou privés à concevoir une signalétique accessible, conformément à la loi du 11 février 2005 et à la norme NF P 96 107. Les deux principaux objectifs de la formation sont : comprendre l’environnement réglementaire et législatif de la signalétique d’accessibilité, et concevoir une signalétique pour tous, en particulier pour les personnes en situation de handicap visuel. Les entreprises dont les salariés ou dirigeants suivent cette formation obtiennent un certificat et le label « Sign’Accessibilité l’Expertise », attestant de leurs compétences en matière de signalétique accessible.
Le « CAU », pour une mobilité facilitée

Le Lyonnais Rui Perreira, dirigeant de Inclusiv’Events, pourrait bien avoir développé une solution miracle, ou presque, pour les personnes à mobilité réduite. Baptisé Cheminement d’Accessibilité Universelle (CAU), ce dispositif dédié à l’évènementiel comprend une bande centrale et des rainures guidant les personnes aveugles. Il rassure aussi les personnes avec une déficience mentale, qui se repèrent ainsi plus facilement sur les parcours. Les segments sont solidarisés par des fixations intégrées. Étant modulaire, le CAU corrige par ailleurs les irrégularités du sol. Son montage et démontage peuvent être effectués facilement et rapidement par une seule personne. Le festival We Love Green, notamment, fait appel à ce dispositif depuis 2023.