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    Embellissement : quand le print se pare de noblesse

    Attirer et fidéliser des consommateurs toujours plus connectés, exigeants et zappeurs, est l’un des plus gros défis auxquels font face les marques aujourd’hui. Sur ce marché de « l’attention » ultra-concurrentiel, l’embellissement du support imprimé devient un levier de séduction majeur. Avec les progrès des systèmes d’ennoblissement numérique, les marques, mêmes les plus petites, peuvent aujourd’hui s’offrir dorures et vernis sur de courtes séries, dans des délais très réduits, avec les avantages de la personnalisation. Une offre complémentaire au savoir-faire des embellisseurs traditionnels, qui travaillent sur des volumes plus importants et répondent à des projets complexes. Et avec l’arrivée des technologies permettant de connecter et d’augmenter les supports imprimés, de nouvelles perspectives s’ouvrent aux marques.

    Une star de YouTube qui fait appel aux services d’un embellisseur traditionnel pour la couverture d’un livre ? L’anecdote est savoureuse et dit tout du pouvoir de l’ennoblissement. Avec plus de 3 millions d’abonnés à sa chaîne YouTube (L’Atelier de Roxane), la pâtissière Roxane est une influenceuse de premier plan, qui régale ses followers de ses recettes les plus savoureuses. Mais il faut croire que le print garde encore tout son pouvoir de légitimation, car Roxane édite aussi des livres de recettes.

    Pour son dernier ouvrage, Recettes en famille, la maison d’édition Solar (groupe Editis) a fait appel au groupe Japell Hanser & SAG (91) pour ennoblir la couverture de l’ouvrage, publié à 200 000 exemplaires, imprimés et façonnés par l’Imprimerie Pollina. « La consigne était de donner un aspect “sucre glace” à la couverture, tout en mettant le titre en relief. La difficulté consistait à déposer les paillettes après le relief, qui provoque une surépaisseur, explique Jean-Baptiste Aglaghanian, directeur de Japell Hanser & SAG. Nous avons appliqué un vernis relief brillant, un vernis paillettes “pure white” et un pelliculage soft touch ».

    © Solar editions

    FAIRE MOINS POUR FAIRE MIEUX 

    Le secteur du livre est symptomatique de ce nouvel appétit pour l’ennoblissement des supports imprimés. « En France, les ouvrages de littérature conservent encore bien souvent un design classique, mais une nouvelle tendance à l’embellissement se développe depuis quelques années, notamment pour les livres jeunesse, explique Régis Ruys, chef de produits Industrial printing chez Konica Minolta, qui commercialise la gamme de machines d’ennoblissement numérique MGI JETvarnish. Pour ces ouvrages grand public devant se distinguer dans les rayons des librairies ou des grandes surfaces, les effets métalliques et les vernis sélectifs ou texturés sont de plus en plus souvent demandés. La tendance est bien établie dans les pays anglo-saxons et elle gagne du terrain aujourd’hui en France ».

     

    « L’idée c’est d’imprimer moins, mais imprimer mieux. Le print doit susciter un effet “wahou” », Cyril-Alexandre Blanc, Pdg des Ateliers Agis

     

    Mais l’édition n’est pas le seul secteur mettre en valeur ses applications grâce aux techniques d’embellissement. La communication imprimée (brochures, catalogues, cartes de vœux, invitations, marketing direct, marketing corporate), le packaging ou encore le marché de l’étiquette ont recours à l’ennoblissement de leurs productions. «  Une grande marque de luxe parisienne avait remplacé ses supports commerciaux imprimées par des tablettes digitales, renvoyant une image qui n’était plus en adéquation avec son prestige. Les clients et les retailers qui distribuent la marque souhaitaient recevoir de belles plaquettes, avec de la matière et du toucher. La marque est donc revenue au print et à l’ennoblissement, témoigne Cyril-Alexandre Blanc, Pdg des Ateliers Agis (35), spécialiste de l’embellissement traditionnel de produits imprimés et produits finis, qui s’est équipé d’une machine numérique JETVarnish. Une grande marque horlogère suisse, qui édite chaque année un ouvrage avec une couverture cartonnée et rembordée, est revenue à cette solution après un passage sur support souple. Je peux également citer un client du BTP, revenu au catalogue imprimé après être passé au tout digital et constaté une baisse de son chiffre d’affaires ». Des constats qui ne traduisent pas une croissance du marché de l’imprimé, mais bien une montée en gamme. « Nous sommes sur un marché baissier. Les papetiers constatent une baisse annuelle de 10 % des volumes de production. L’idée c’est d’imprimer moins, mais imprimer mieux. Le print doit susciter un effet “wahou” », poursuit le Pdg des Ateliers Agis.

     

    UN BÉNÉFICE QUANTIFIABLE

    « L’objectif d’un ennoblissement, c’est d’améliorer la visibilité des produits, de capter et de retenir l’attention en linéaire. On crée une accroche optique et tactile, grâce notamment aux effets de relief et de matière. Et quand un client a pris en main un produit, l’acte d’achat est presque gagné », poursuit Régis Ruys. En effet, d’après plusieurs études menées par les chercheurs universitaires américains Joann Peck (Université du Wisconsin), Jennifer Wiggins (Université de Kent) et Terry Chiders (Université de l’Iowa), le toucher augmente la sensation de possession, qui provoque à son tour une hausse de la valeur perçue de l’objet. Ainsi, dans le domaine du packaging, un emballage avec une impression spéciale et un ennoblissement amélioreraient de 46 % la perception de la qualité du produit, permettrait un temps d’identification en linéaire deux fois plus rapide qu’avec un emballage classique et provoquerait un temps d’attention plus long de 21 %1.

    « Les marques utilisent le print pour se différencier et apporter de l’émotion et de la valeur ajoutée. D’où la forte demande pour les solutions d’embellissement, confirme Isabelle Savin, production marketing manager chez Xerox, constructeur des presses numériques iGen5 et Iridesse, qui offrent des solutions d’ennoblissement. D’après une étude réalisée par la société InfoTrends, les donneurs d’ordres européens sont prêts à payer un supplément de 40 à 90 %, en fonction des effets, pour des documents ennoblis ».

     

    LE NUMÉRIQUE TIRE LA CROISSANCE

    Mais ce retour en grâce du print ennobli se fait à deux vitesses. L’embellissement traditionnel est en baisse depuis une dizaine d’années. « Notre activité est intimement liée à celle du print. Nous avons subi la crise de l’imprimé face à la montée en puissance du digital. Certains documents institutionnels et financiers ont disparu des commandes, explique Jean-Baptiste Aglaghanian. Japell Hanser & SAG s’est donc concentré sur les travaux haut de gamme, avec des produits impactants ». A contrario, l’embellissement numérique enregistre une croissance annuelle de 27 % et devrait générer un volume de 25 milliards de pages au niveau mondial en 20202. Le numérique, qui ne représente encore que 2 % du marché de l’embellissement, possède donc un énorme potentiel de développement.

     

    « Faire du motif ou de l’épaisseur en embellissement traditionnel, c’est compliqué. En revanche, en traditionnel, on peut faire un véritable travail d’artiste, en multipliant les effets et les niveaux d’ennoblissement », Régis Ruys, chef de produits Industrial printing chez Konica Minolta

     

    © Konica Minolta

    Pourtant, ennoblissement traditionnel ou numérique, chaque technologie possède avantages et inconvénients, et répond à des besoins différents. Les effets de vernis sélectifs, de dorure, de gaufrage, d’estampage, existaient bien avant l’apparition de l’ennoblissement numérique. Ils sont réalisés depuis longtemps sur des systèmes flexo ou sérigraphiques, pour des secteurs comme le packaging de luxe, l’étiquette, ou la communication événementielle. Mais ces technologies d’ennoblissement traditionnelles restent réservées à des marchés haut de gamme ou de volume, en raison des coûts de calage. En effet, en traditionnel, des effets comme la dorure à chaud ou le gaufrage nécessitent la production d’outils, rendant l’opération rentable uniquement sur des impressions en grande série.

    De leur côté, les systèmes d’ennoblissement numériques déposent le vernis par la technologie jet d’encre, et la dorure en collage sur le vernis. « En éliminant les formes imprimantes, remplacées par un fichier électronique, le numérique réduit les coûts fixes, élimine les temps de calage et supprime les délais de production des outils », explique le constructeur Konica Minolta, dans un e-book consacré à l’ennoblissement numérique. Cette technologie démocratise ainsi l’accès aux effets de finition et permet la production de courtes séries. Une réponse à un vrai besoin pour les courts tirages de la part des donneurs d’ordres. Enfin, le numérique permet de réaliser d’étonnants effets de texture, de matière ou de grain par application de vernis 3D.

     

    DES TECHNOLOGIES COMPLÉMENTAIRES

    « Faire du motif ou de l’épaisseur en embellissement traditionnel, c’est compliqué. En revanche, en traditionnel, on peut faire un véritable travail d’artiste, en multipliant les effets et les niveaux d’ennoblissement, reconnaît Régis Ruys. Dans le secteur du luxe, certaines marques font même fabriquer à façon leurs propres feuilles de dorure (le foil, ndlr), qu’elles destinent à un seul prestataire d’ennoblissement ». « L’embellissement numérique est complémentaire du traditionnel. Auparavant, il était très compliqué de vernir de toutes petites séries, de vingt feuilles par exemple. Aujourd’hui, grâce au numérique, c’est possible, admet Jean-Baptiste Aglaghanian. Pour les produits standard, l’ennoblissement numérique est parfait. Mais dès qu’on sort des sentiers battus, il est préférable de repasser en traditionnel ».

    « En numérique, on ne peut pas changer la tension de surface du média d’impression, donc il peut y avoir des problèmes d’accroches sur certains supports, complète Régis Ruys. On peut encore faire des progrès sur des supports ouverts texturés, même si certains fabricants de papier proposent aujourd’hui des gammes de papiers de création pour ennoblissement numérique ». « En sérigraphie, il n’y a pas de limite, on peut tout vernir et tout imprimer, mais la technologie est plus lourde à mettre à mettre en œuvre, donc plus adaptée aux gros tirages. En numérique, la matière est plus chère, donc on reste sur des petites séries, mais la technologie est parfaite pour faire des données variables », conclut le directeur de Japell Hanser & SAG.

    © Cécile Touati – decanoisette.com

    LA PERSONNALISATION ENNOBLIE

    Car à l’instar de l’impression numérique, l’un des grands avantages de l’embellissement numérique, c’est de pouvoir gérer des données variables. Et donc de personnaliser les documents préalablement imprimés en numérique. Il est aujourd’hui possible d’imaginer des invitations individualisées avec une dorure ou un vernis sélectif sur le nom du destinataire, des courriers nominatifs ou des tickets d’entrée numérotés et ennoblis sur le même principe. Des capacités qui ouvrent des nouveaux horizons, notamment pour le secteur de la communication événementielle.

     

    « D’après une étude réalisée par la société InfoTrends, les donneurs d’ordres européens sont prêts à payer un supplément de 40 à 90 %, en fonction des effets, pour des documents ennoblis », Isabelle Savin, Production marketing manager chez Xerox.

     

    © Xerox

    Dans le monde du packaging aussi, l’impression et l’ennoblissement de données variables offre l’opportunité de réaliser des emballages uniques, de manière rentable. « L’emballage de produits de consommation (alimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques, etc.) est le domaine de prédilection des traitements post-impression (vernis, dorure ou embossage). Si l’embellissement de packaging en grande série reste un domaine sur lequel les imprimeurs équipés de chaînes de production flexo sont encore souvent les mieux placés, l’ennoblissement numérique ouvre la voie à des applications nouvelles en plus courtes séries, comme la production d’emballages événementiels en série limitée, le prototypage, ou encore la réalisation de marchés tests (plusieurs versions d’un même emballage sont testés in situ, dans les linéaires d’un ou plusieurs points de vente, avant un choix définitif) », analyse le constructeur Konica Minolta.

    Enfin, le monde de l’étiquette s’est largement emparé du phénomène de l’embellissement à son tour, porté notamment par les secteurs des cosmétiques et des vins et spiritueux. « Nous réalisons la moitié de notre chiffre d’affaires avec les cosmétiques, les vins et l’épicerie fine. Ce sont des marchés premium où la plupart de nos clients souhaitent au moins une technique d’ennoblissement sur leurs étiquettes, notamment le marquage à chaud, qui est la technique la plus courante, celle que l’on voit le plus souvent en linéaire », explique Semi Abbes, responsable marketing et communication du groupe Azur Adhésifs (38), spécialiste de l’impression d’étiquettes adhésives. Si l’imprimeur isérois est équipé des deux presses numériques pour l’impression des étiquettes, il reste fidèle aux techniques traditionnelles (flexo, sérigraphie, marquage à chaud) pour l’ennoblissement. « Dans le monde viticole, quelques marques tentent l’originalité, mais cela reste un marché traditionnel, qui sollicite essentiellement du marquage à chaud. En revanche, le marché de la bière se développe beaucoup et certains brasseurs montent en gamme au niveau de leurs étiquettes, qui se rapprochent désormais des standards du vin, poussés par des clients qui sont prêts à payer plus cher pour des produits haut de gamme », analyse Semi Abbes.

     

    ENNOBLISSEMENT DIGITAL

    Mais si Azur Adhésifs ne s’est pas encore converti à l’embellissement numérique, le groupe a, en revanche, ouvert une porte vers l’ennoblissement digital. Depuis l’an passé, le spécialiste des étiquettes adhésives a noué un partenariat avec la start-up SnapPress (désormais groupe Argo), dont l’application est disponible sur Android et iOS et permet d’apporter de la valeur ajoutée aux étiquettes avec de la réalité augmentée. L’occasion, pour les marques, de se différencier et d’attirer une nouvelle cible de consommateurs, mais aussi l’opportunité de changer régulièrement leurs messages ou les informations qu’elles souhaitent communiquer.

    Pour donner vie à un imprimé, la réalité augmentée et la NFC sont les deux technologies dominantes. Les progrès de la reconnaissance visuelle permettent aujourd’hui de scanner n’importe quel support, pour révéler des contenus digitaux. La société SnapPress s’est imposée comme un précurseur en France de la lecture de contenus augmentés. Conçue comme un navigateur universel, l’application SnapPress affiche aujourd’hui plus de 240 références dans la presse, l’édition, le retail ou la grande distribution. Avec la NFC (Near Field Communication ou communication en champ proche), la technologie – une puce ultra-plate lisible par tout mobile compatible – est concentrée dans le support. Utilisée à l’origine pour des applications de traçabilité ou de paiement, la NFC permet d’embarquer un large éventail de fonctions actualisables à tout moment. Et ce, sur tous types d’imprimés : carte de visite, mailing, affichage, manuel…

    © Azur Adhésifs

    Mais ces solutions digitales peuvent-elles être considérées comme de l’ennoblissement ? « Le papier connecté ne rend pas l’imprimé plus beau, mais plus interactif, donc ce n’est pas de l’embellissement, plutôt de l’enrichissement, analyse Isabelle Savin. L’imprimé reste statique, mais l’information véhiculée par le papier, elle, est en mouvement. L’enrichissement permet également de mesurer, a posteriori, l’impact de l’imprimé ». « Le but de l’ennoblissement est de créer une émotion, donc oui, les solutions digitales peuvent être considérées comme de l’ennoblissement, estime Jean-Baptiste Aglaghanian. Mais dans ce contexte, le digital – plat, sans profondeur – doit être associé à un ennoblissement imprimé, car c’est d’abord le support print qui va attirer le regard ». Ennobli et enrichi, le print n’a sûrement pas dit son dernier mot.

     

    1 Source : Livre blanc « The impact of high-visibility enhancements on shelf presence : a second study », The Foil & Specialty Effects Association (FSEA).

    2 Source : Etude InfoTrends « Beyond CMYK, the use of special effects in digital printing »

    LES CHIFFRES DE L’ENNOBLISSEMENT NUMÉRIQUE

    © Konica Minolta

    27 % : c’est la croissance annuelle du marché de l’embellissement numérique

    25 milliards : c’est le nombre de pages qui devraient être ennoblies en numérique en 2020, au niveau mondial.

    2 % : c’est la part de marché du numérique dans le secteur de l’embellissement.

    PACKAGING : LE R.O.I. DE L’ENNOBLISSEMENT

    © Konica Minolta

    + 46 % : Bénéfice d’un emballage avec impression spéciale et ennoblissement sur l’amélioration de la perception de la qualité d’un produit.

    x 2 : Le temps d’identification d’un packaging ennobli en linéaire est deux fois plus rapide que celui d’un emballage classique.

    + 21 % : La hausse du temps d’attention d’un consommateur sur un emballage quand celui-ci est ennobli.

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    Journaliste spécialisé dans le domaine des industries graphiques, Florent Zucca est rédacteur en chef du magazine IC LE MAG / Industries Créatives, où il analyse les opérations de personnalisation menées par les marques en matière de retail, de packaging, de décoration et de communication. Diplômé de l’ISCPA Lyon (Institut Supérieur de la Communication, de la Presse et de l’Audiovisuel), il a auparavant travaillé, pendant près de dix ans, dans la presse économique.