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    Communication outdoor : le chant du sign ?

    Des panneaux publicitaires moins nombreux et moins grands, des enseignes lumineuses plus économes en énergie… La réglementation en matière de communication visuelle extérieure – à l’image du projet de loi Climat et Résilience – tend à limiter toujours plus ces dispositifs, qu’ils soient imprimés ou digitaux. Et, à cette logique réglementaire, s’ajoute aussi la pression citoyenne qui appelle à plus de beauté dans la ville. Quel avenir pour « le plus vieux média du monde », dans un cadre aussi contraint ? Bien décidés à ne pas disparaître au nom de la défense de l’environnement, mais plutôt à y prendre leur part, nombre d’acteurs de ce secteur n’ont pas attendu les récents débats pour agir et faire évoluer leurs pratiques.

     

     

     

    Confinements, couvre-feu, magasins et centres commerciaux fermés, rues désertées… Après une année 2020 qui a fait figure de séisme économique pour une grande partie des commerçants, mais aussi pour les régies publicitaires et autres professionnels de l’affichage extérieur, une partie du projet de loi « Climat et Résilience » (adopté en première lecture le 4 mai par l’Assemblée nationale, après trois semaines de débat, ndlr) a provoqué colère et incompréhension. En cause : l’article 7, qui donne la possibilité aux maires, à travers leur Règlement local de publicité (RLP), d’encadrer les publicités et enseignes lumineuses situées à l’intérieur des vitrines, « lorsqu’elles sont visibles depuis une voie ouverte au public ». L’article incriminé a provoqué une levée de bouclier des fédérations de commerçants, qui y voient une atteinte à leur liberté d’entreprendre et à leur droit de propriété.

    Du côté des professionnels de l’affichage digital, même réaction. « Il est difficile de se voir stigmatisé en pleine pandémie, alors que nous sommes justement le média le plus durement touché par cette crise, confiait, dans nos colonnes en mars dernier, Sébastien Romelot, Pdg de Phenix Groupe, opérateur de réseaux d’affichage traditionnel et d’écrans digitaux. L’impact environnemental du DOOH n’est clairement pas celui que l’on voudrait nous faire croire ». Le dirigeant s’appuyait notamment sur une étude publiée fin 2020 par le cabinet KPMG, montrant que les vitrines digitales et le Digital-Out-of-Home (DOOH) ne représentent que 0,4 % de la consommation énergétique du secteur des technologies de l’information et de la communication. De plus, rapportée à son poids économique et à son impact en termes de visibilité, une vitrine digitale serait trois à quatre fois moins énergivore qu’une publicité sur internet.

     

    DES RÈGLES LOCALES QUI POURRAIENT SE DURCIR

    Alors, pas si polluant que ça l’affichage numérique ? Tout dépend, bien sûr, avec quoi on le compare, mais aussi de quelle pollution l’on parle. Certainement moins énergivore que la publicité en ligne, un panneau digital l’est en revanche plus qu’une simple affiche imprimée. De plus, si le DOOH est dans le viseur de la loi Climat et Résilience, c’est aussi pour son impact en termes de pollution visuelle.Ainsi, malgré une forte mobilisation, l’article 7 a été adopté début avril avec, néanmoins, quelques aménagements. « La prescription de l’emplacement a été supprimée. Autrement dit, on a échappé à l’interdiction pure et simple des dispositifs lumineux dans les vitrines au bon vouloir des maires. En revanche, ceux-ci pourront inscrire dans leurs règlements locaux des prescriptions en matière de surface, de hauteur, de consommation énergétique, de prévention des nuisances lumineuses, ainsi que des horaires d’extinction, expliqueJulia Nojac, présidente de e-VISIONS, le syndicat professionnel de la communication visuelle.Hormis sur ce dernier point, on est dans le flou. Tant qu’il n’y aura pas de seuils définis, pour la consommation énergétique par exemple, cela va être très compliqué, pour les commerçants bien sûr, pour nous professionnels de la communication visuelle, mais aussi pour les collectivités elles-mêmes, qui ne sont pas toutes armées pareillement pour faire la “police” de la publicité ».

    En effet, en ligne de mire, il y a les RLP, en cours de révision dans plusieurs municipalités et métropoles françaises, sans compter les plus petites mairies, qui se voient confier cette responsabilité autrefois dévolue aux préfets (article 6 de la loi Climat et Résilience, également adopté début avril). Dès lors, le débat parlementaire fournit un argument supplémentaire aux villes qui veulent changer leur rapport à la publicité.

    Parmi elles, la métropole de Lyon s’affiche parmi les plus radicales. Son RLP, qui sera voté à l’été 2022, prévoit une réduction drastique du nombre et de la taille des dispositifs publicitaires, l’interdiction de tout écran numérique, l’extinction des enseignes dès la fermeture des magasins et celle des publicités lumineuses dès 22h. Le projet va même jusqu’à annoncer la résiliation de contrats passés avec de grands annonceurs privés.

    ©Exterion Media

    LA RÉPONSE DES PROFESSIONNELS

    Dans ce contexte de pression réglementaire accrue, les professionnels de l’affichage et de l’enseigne expriment leur mécontentement, mais tiennent aussi à être constructifs, au service d’une conception plus écoresponsable de leur activité. Depuis plusieurs années déjà, e-Visions a pris à bras de corps les questions environnementales. Parmi les démarches entreprises par sa commission environnement, il y a par exemple le partenariat avec Ecosystem pour le recyclage des néons et des enseignes. Sa présidente, Julia Nojac, souligne aussi à quel point les évolutions technologiques font sans cesse progresser la trajectoire carbone de tout un secteur : les LEDs, moins énergivores, l’impression numérique avec des encres sans solvants, les enseignes fonctionnant à l’énergie photovoltaïque ou encore la découpe assistée par ordinateur qui réduit considérablement le gaspillage de matière. « C’est une somme de petits éléments dont l’impact global, à l’échelle de la profession, et sur la durée, est loin d’être négligeable », estime la dirigeante.

    D’autres rappellent que, de tous les médias, l’affichage est celui qui s’est déjà le plus adapté à la contrainte environnementale. « Nos détracteurs pensent que pour vivre mieux, il faut moins de panneaux, et que l’impact d’un panneau sur l’environnement est proportionnel à sa surface », résume Jean-François Curtil, Pdg d’Exterion Média France. À rebours de cette vision purement quantitative, il rétorque que la dédensification publicitaire en France ne date pas d’hier – le nombre de panneaux a été divisé par deux en 20 ans – et qu’aujourd’hui, les enjeux sont ailleurs pour transformer durablement le secteur. « Ce n’est pas tant le nombre de panneaux qui importe, mais ce qu’on met dedans et la façon dont on les exploite. Pourquoi ne pas obliger les afficheurs à se fournir intégralement en énergie verte, à nettoyer tous leurs mobiliers à l’eau pure, sans produit chimique, à éclairer uniquement à la LED, à équiper leurs déroulants de moteurs basse tension ou encore à ne plus diffuser de publicité pour des produits polluants ? Voilà des contraintes qui seraient bien plus efficaces pour réduire durablement notre empreinte carbone », assure Jean-François Curtil.

    ©Exterion Media

     

    L’INNOVATION PAR LA CONTRAINTE

    En matière de surface des panneaux, la Pdg d’Exterion Média Francepointe aussi le coût environnemental de la transformation du parc actuel : « Il y a en France quelque 30 000 panneaux de 12 m2 : les remplacer par des 8 m2, c’est un non-sens écologique ». À l’appui, il cite le rapport du cabinet d’audit Riposte Verte, qui a analysé, à la demande du SNPE (Syndicat National de la Publicité Extérieure), le bilan carbone d’une telle transformation. Résultat : « L’équivalent des émissions de gaz à effet de serre de 90 000 vols aller-retour Paris-New-York ou de 26 100 tours du monde en avion » !Très actif au sein du SNPE, Jean-François Curtil interpelle régulièrement les élus sur ce thème et souhaite recentrer les débats sur le contenu, appelant à une communication extérieure faisant la part belle à la proximité, la responsabilité et la solidarité. « Il n’y aura pas de transformation gratuite : nous sommes prêts à investir pour faire mieux, mais pas pour disparaître purement et simplement ».

    Prêt à s’engager et à aller plus loin, Julien Aguettant, directeur du développement chez LightAir, acteur de la communication très grand format basé à Lyon, l’est également.Regrettant le durcissement réglementaire attendu dans sa ville et le manque de concertation, il constate aussi, paradoxalement, l’effet vertueux de la contrainte. « Cela va nous pousser à innover encore plus pour continuer notre business. C’est très stimulant au final, mais il faut nous laisser plus de temps. À notre niveau, nous sommes engagés dans une démarche qualité et RSE, qui implique aussi des engagements de nos fournisseurs et partenaires, mais nous n’imposons rien que nous ne soyons capables de nous appliquer à nous-mêmes, c’est une règle ! D’ailleurs, toute la filière est concernée : les fabricants d’imprimantes, d’encres, de supports… Les vraies innovations ne pourront émerger que si tout le monde s’y met », explique-t-il. De plus,le futur RLP de la métropole lyonnaise pourrait interdire les publicités sur bâches de chantier (hors monuments classés), dont LightAir est l’un des spécialistes, avec des réalisations monumentales partout en France. « Une toile imprimée, à 80 % décorative, serait interdite, c’est en tout cas ce que m’a rapporté l’élu en charge de cette question à la métropole. Dommage, car c’est quand même plus esthétique et valorisant qu’un échafaudage, qui plus est dans la ville mondialement connue pour ses murs peints », se défend Julien Aguettant.

    ©LightAir

     

    (RE)CONCILIER COMMUNICATION OUTDOOR ET PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

    Ainsi visé au nom de l’urgence climatique et de la lutte contre la pollution visuelle, le secteur de la communication extérieure n’a d’autre choix que de se réinventer. La première réponse à ces enjeux se joue au niveau des supports et solutions techniques utilisés, à tout ce qui peut servir d’alternative aux matériaux et dispositifs les plus décriés en raison de leur impact environnemental. En la matière, le fabricant de panneaux analogiques et digitaux Prismaflex a frappé un grand coup en 2014 avec Bluetech, un panneau statique et rétroéclairé, fonctionnant uniquement à l’énergie solaire. Et malgré l’échec relatif du produit, le département R&D de Prismaflex a continué d’explorer cette voie prometteuse.

    Preuve que l’innovation n’est pas qu’affaire de nouvelles technologies, Prismaflex a aussi mis au point le Cristal Kit, un système breveté d’affichage qui permet de hisser très simplement son affiche imprimée sous la vitre souple d’un panneau mural ou portatif. Un système plus vertueux, car sans colle. Ainsi, la façade reste propre et l’affiche recyclable avec les déchets papier. De plus, elle offre une meilleure conservation (jusqu’à huit semaines, contre quatre à six semaines pour un affichage colle classique), ce qui évite d’avoir recours à des réaffichages d’entretien. Imprimée sur toile Polytex, l’affiche peut même être réutilisée sur la durée, en alternance avec des campagnes éphémères.Autre intérêt du Cristal Kit : il ne nécessite pas l’intervention d’un poseur professionnel, y compris pour des panneaux avec un hors-sol important.

    ©Prismaflex

     

    DES MATÉRIAUX À LA POINTE

    Si la R&D fait sans cesse évoluer les dispositifs de communication outdoor pour les rendre moins polluants à l’échelle de leur cycle de vie, il existe aussi une recherche permanente autour des matériaux. Du côté des bâches publicitaires et des habillages de façade, les matières plastiques, qu’elles soient pleines ou micro-perforées, dominent encore le marché. Pour autant, des alternatives commencent à émerger et plusieurs sociétés revendiquent l’utilisation, sur certains projets, de toiles sans PVC. Du côté de l’enseigne, le PVC (carrément interdit dans certains zonages de RLP) cède de plus en plus souvent la place à des matières naturelles : bois, mousse végétale figée, etc. E-VISIONS signale régulièrement les innovations mises sur le marché par ses adhérents, à l’image de la société Semios, qui a fait de la cosse de riz la matière première d’un projet pour Logis Hôtels, avec des plaques d’entrée décorées par impression numérique, 100 % recyclables et particulièrement résistants.

    En matière d’éclairage, la LED est incontournable, car peu énergivore. Populaire depuis le début des années 2000, elle se décline aujourd’hui dans des dispositifs toujours plus perfectionnés. Exemple avec la Lightbox City de LightAir, qui répond aux normes techniques des RLP de la plupart des grandes villes : un caisson lumineux plus fin (83 mm d’épaisseur au lieu de 160 mm) qui, allumé ou éteint, est conçu pour se fondre dans le décor urbain, tout en répondant aux impératifs de visibilité du client. Toujours à Lyon – où l’exécutif écologiste a décidé depuis début 2021 de baisser l’éclairage public de 22h à 5h pour créer une « trame noire » dans certains quartiers de la ville – LightAir met en veille ses affichages grand format sur échafaudage. Grâce à des projecteurs LED à faible consommation électrique, programmés pour s’éteindre automatiquement, les campagnes restent suffisamment visibles, tout en respectant ce nouveau règlement.Et certaines solutions de demain, en matière d’éclairage, pourraient venir de la nature elle-même. Sovilec, fabricant d’enseigne et de signalétique, s’est rapproché de la start-up Glowee pour expérimenter la bioluminescence via des micro-organismes marins : rien de plus naturel pour illuminer une enseigne.

    ©Semios

    ©Sovilec

     

    QUAND LE CONTENU RESTAURE L’IMAGE DE L’AFFICHAGE

    Afin de proposer des communications extérieures qui s’intègrent harmonieusement à leur environnement, un autre parti-pris largement partagé consiste à miser sur le contenu. Illustration avec l’agence de communication Terres Rouges, spécialisée en scénographie urbaine. Pour ses clients,acteurs du luxe et de l’immobilier, elle conçoit des habillages de chantiers et des animations événementielles extérieures qui rivalisent de créativité.« Nous intervenons sur les façades principalement. Notre sujet, c’est avant tout le mécénat autour de l’art. On ne fait pas ou très peu de publicité », indique Olivier Girardot, Pdg de Terres Rouges. Pour autant, la publicité « pure et dure » peut elle aussi être très créative, comme en témoigne la campagne easyJet à Bordeaux en 2019, conçue par l’agence Buzzman et déployée sur un site de LightAir (le Palais de la Bourse à Bordeaux). Cette toile, dont le message se reflète (et se lit) dans le miroir d’eau voisin, a remporté le Grand Prix de la Communication Extérieure etinterpellé les passants au point de susciter 4,9 millions d’impressions sur Twitter et plus de 1 000 tweets.

    Par ailleurs, on constate, y compris chez les annonceurs, une tendance à faire plus de place à la communication utile et citoyenne, au sens large. Emmanuel Pottier, qui a travaillé une dizaine d’années pour Clear Channel (dont trois ans comme directeur général adjoint) et qui est désormais consultant indépendant en stratégie médias, estime que cette tendance idéologique dépasse la logique purement réglementaire. « Depuis quelques temps, la pression citoyenne remet en question la publicité et la façon dont elle est présentée, et encore plus depuis la crise sanitaire. Après avoir été énormément bousculées par le Covid, les marques font aujourd’hui face à l’enjeu de montrer qu’elles sont utiles et responsables. On peut donc prédire qu’il y aura à la fois moins de panneaux d’affichage et que, qualitativement, la narration publicitaire va évoluer », estime-t-il.

    ©Terres Rouges

     

    LA VILLE INTELLIGENTE ET SOLIDAIRE

    En effet, les différents réseaux de mobilier urbains se sont avérés particulièrement pertinents dans le contexte de la pandémie, offrant aux acteurs publics la possibilité de relayer des messages de prévention et d’informer en temps réel. Cet usage n’est certes pas nouveau : faire coexister la communication des marques et la diffusion d’un service utile et gratuit aux citoyens, c’est le modèle adopté par les opérateurs nationaux tels que JCDecaux et Clear Channel depuis l’avènement du digital dans la communication outdoor. Dans un registre purement serviciel, les Journaux électroniques d’information (JEI) que Prismaflex fabrique déjà depuis plus de 30 ans démontrent aussi comment le DOOH peut se mettre au service de la « ville intelligente ».

    Autre illustration avec Exterion Media, qui fait de la publicité solidaire l’un de ses axes de développement. Une publicité est dite solidaire lorsque la marque reverse un pourcentage du budget investi à une association. Depuis 2018, Exterion Media s’est aussi engagée aux côtés de l’association Entourage, qui lutte contre l’exclusion des sans-abris, afin de relayer des messages d’entraide sur l’ensemble de son offre DOOH parisienne. Ces messages sont connectés avec la plateforme technologique d’Entourage, qui permet de diffuser en temps réel les demandes d’aides de personnes situées dans un rayon de 500 mètres autour de l’écran digital. Preuve que 2020, annus horribilis, aura aussi eu des effets vertueux en exacerbant la quête de sens des consommateurs et, par conséquent, celle des marques…

     

    EXPLOITER ET COMMERCIALISER DIFFÉREMENT : UNE AUTRE FAÇON D’INNOVER

    Comment donner une image plus (éco)responsable de la communication extérieure et ainsi « dédiaboliser » le DOOH ? Après la forme (les solutions techniques) et le fond (le contenu), place à la manière ! Autrement dit, comment exploiter et commercialiser autrement les écrans digitaux et lumineux, qui sont en train d’accélérer leur développement partout dans le monde ? En France, le groupe JCDecaux possède actuellement 2000 écrans digitaux.« Cela représente moins de 1 % de notre parc. Notre approche est pleinement maîtrisée et extrêmement qualitative dans ce déploiement », souligne Alban Duron, directeur marketing France chez JCDecaux. Face aux critiques qui visent l’affichage en général et le DOOH en particulier, il rétorque avec un brin de provocation : « Certains nous reprochent l’envahissement du digital, alors que l’omniprésence des écrans est avant tout dans les foyers et dans nos poches ». Selon lui, la transformation digitale est un phénomène de société inéluctable et un axe structurant pour l’activité. Au cœur de cette transformation digitale, « la donnée est la clé ». Des données anonymisées, essentiellement contextuelles, faisant du groupe JCDecaux, comme de la plupart des autres grands opérateurs du secteur, un acteur de la « data responsable ». « Il serait dommage de priver la communication extérieure d’un levier de croissance si important, alors même que nous opérons cette transformation avec maîtrise, responsabilité et dans le respect des règles ».

    Est-ce à dire quele DOOH est victime de ce qui est aussi son principal atout, sa visibilité ? Sans entrer dans le débat de ce qui constitue ou pas une agression visuelle, force est de constater qu’un écran numérique n’apporte pas le mêmeservicequ’une affiche imprimée. La contextualisation et l’instantanéité permises par ces dispositifs constituent une indéniable valeur ajoutée. Jamais auparavant l’adage du « bon message, au bon moment, au bon endroit, auprès des bons publics » n’aura été aussi vrai, puisque le DOOH permet l’optimisation de la communication d’un annonceur et son évolution en temps réel en fonction du lieu, de l’heure et même pourquoi pas de la météo. Ainsi, pour Alban Duron, c’est le DOOH qui incarne aujourd’hui le mieux la promesse originelle de la communication digitale : « Notre priorité est de continuer à concevoir des communications qui s’inscrivent avec justesse dans les parcours quotidiens des citadins ou des consommateurs, dans une véritable approche d’audience planning. À nous, professionnels, de faire en sorte que l’expérience visuelle soit la plus pertinente et la plus positive possible pour les publics. Ce sont ces deux enjeux-là qui assureront un avenir durable à notre activité dans sa partie digitale ».

    ©JCDecaux

     

    UN MÉDIA AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE LOCALE

    Un autre enjeu pour la publicité extérieure consiste à tisser des liens avec le marché local. Pour Emmanuel Pottier, donner aux commerces et PME locales une place sur ces réseaux est une voie de diversification qui suggèrerait « une vision moins mercantile » de la publicité. « L’une des forces de la communication extérieure, c’est d’avoir un point de contact tangible. Ce qui, pour ces acteurs locaux, est un point essentiel. Dans un contexte de réouverture post-Covid, les restaurateurs par exemple, qui font d’ordinaire peu ou pas d’affichage, auraient tout intérêt à privilégier ce type de média très ciblé et territorialisé », analyse le consultant.

    Mais comment faire pour que, demain, le boulanger ou le bistrot du coin puissent eux aussi profiter du potentiel des écrans publicitaires situés dans leur quartier ? Cela devra nécessairement passer par une démocratisation du processus d’achat. Une révolution du marché du DOOH en somme, dont la start-up belge GLOOH, créée en 2019, se veut l’un des instigateurs. Son fondateur, Dimitri Themelis, est parti du constat que l’inventaire disponible était très important, de l’ordre de 50 à 70 % sur certains écrans, mais qu’il n’était tout simplement par rentable pour les grands opérateurs de ces réseaux de chercher à combler ce vide. « Ils ne sont pas organisés commercialement pour aller prospecter ce type d’annonceur, avec des paniers moyens de 500 à 1 500 euros. Ce n’est pas leur modèle », explique-t-il.

    C’est là que GLOOH innove,en proposant de simplifier le processus d’acquisition de clients à travers une plateforme mobile, pour en faire un vrai support au service de l’économie locale. Prenons l’exemple d’un restaurant qui, à 19h, se retrouve avec des invendus ou produits frais qui risquent de partir à la poubelle. Le restaurateur se rend alors sur la plateforme GLOOH depuis son ordinateur ou son smartphone pour créer une offre promotionnelle de dernière minute, sélectionne les écrans d’affichage digitaux disponibles dans les environs et déclenche la diffusion de son offre, le tout en quelques clics. L’autre atout de ce concept pour les artisans et commerçants qui disposent rarement de compétences marketingen interne, c’est son outil d’édition, baptisé #Streetstagram, avec un large choix de gabarits, pour créer une annonce digne d’une agence.

    GLOOH, qui aouvert un bureau à Paris en mai 2021 pour renforcer sa présence sur le marché français, a déjà expérimenté sa solution à Nîmes, en partenariat avec Clear Channel, et dans le nord de la France avec la régie publicitaire Oxialive. Tout récemment, la jeune société belge a signé un nouveau partenariat avec un acteur important dans l’univers des foncières et de l’immobilier commercial, qui lui donnera accès à près de 600 écrans situés au sein de centres commerciaux. La start-up souhaite également aider ses partenaires à valoriser leur mobilier urbain de façon plus vertueuse. « À une époque où beaucoup dénoncent l’envahissement de l’espace public par la publicité, nous proposons aussi aux collectivités locales de se réapproprier le mobilier urbain à d’autres fins, artistiques ou culturelles », explique Dimitri Themelis. Autant d’initiatives qui aident à donner une autre perception des écrans et de l’affichage.

    ©Glooh

    AFFICHAGE ET ENSEIGNE : QUE DIT LA LOI ?

    Restrictions de quantité, d’emplacement, de taille… En matière de communication extérieure, c’est le code de l’environnement qui pose le cadre général, auquel s’ajoutent des contraintes spécifiques qui découlent des RLP. « D’un secteur géographique à l’autre, on ne travaille pas de la même façon. Certains matériaux ou certaines technologies sont parfois bannis et, au sein d’une même ville, il peut y avoir plusieurs zones ayant chacune des règles différentes », indique Julia Nojac, présidente du syndicat e-Visions et de la société Nojac Enseignes.

    Pour les professionnels de la communication visuelle, vendre une enseigne ou un dispositif d’affichage implique donc de bien connaître les usages locaux, puisqu’en amont de l’exécution, c’est à eux qu’il revient de gérer les demandes d’autorisations administratives. Par ailleurs, il y a le cas particulier des monuments historiques ou classés, qui dépendent du code du patrimoine. Celui-ci s’impose aux municipalités pour autoriser la publicité sur les habillages de chantier, afin de financer les travaux de rénovation de ces bâtiments.

    TROIS QUESTIONS À PIERRE-HENRY BASSOULS, PDG DE PRISMAFLEX

     

    Quel bilan tirez-vous de Bluetech, premier panneau 100 % autonome en énergie ?

    C’est une prouesse technique d’avoir mis au point un panneau déroulant rétroéclairé autonome en énergie. Mais à l’arrivée, son prix de vente s’est révélé dissuasif. Peu de donneurs d’ordres, régies publicitaires ou villes, ont fait le choix d’investir dans cette solution vertueuse. Suite à ce relatif échec commercial, nous avons développé une version simplifiée, soit un panneau analogique de 2 m2 qui s’éclaire avec une casquette photovoltaïque. Il rencontre pas mal de succès en Afrique, dans des pays où il est parfois compliqué d’avoir une connexion électrique fiable. Nous proposons aussi des kits solaires pour le Trivision, un panneau motorisé avec trois images en alternance. En revanche,le solaire n’est pas envisageable pour alimenter des panneaux digitaux dont la consommation instantanée est bien supérieure. Or, c’est clairement dans le digital que se dessine l’avenir de notre activité : il a représenté environ 15 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, contre 6 dans l’analogique, sur un volume global de 26 millions d’euros.

     

    Quelles seront les prochains développements technologiques ?

    La résolution despanneaux LED progresse en permanence. Actuellement, nous commercialisons des panneaux avec un pitch de 2,9 mm, alors que nous étions encore 4 et 6 mm il y a cinq ans. Plus de finesse et de moins en moins de consommation : dans quelques semaines, nous lançons la série Gold, qui permettra une réduction de 15 % de la consommation électrique moyenne grâce à l’optimisation des drivers qui s’éteignent lors d’une image noireet à un abaissement de la tension nominale de 4,2 à 3,8V. Nous veillons aussi tout particulièrement à gérer l’agressivité lumineuse : ces panneaux atteignent 200 à 300 NIT (unité de mesure de la luminance, ndlr) la nuit contre 6 000 à 7 000 en journée.

     

    Que répondez-vous à ceux qui dénoncent l’impact environnemental du DOOH ?

    Le digital offre de tels avantages par rapport à l’analogique en termes d’instantanéité qu’il serait dommage de s’en passer. Nous avons a pris l’initiative de réaliser avec Bureau Veritas, pour la Ville de Paris, un comparatif de l’empreinte environnementale d’un panneau digital LED et d’un panneau déroulant de même format. Intrinsèquement, le premier consomme plus d’énergie (9 kWh par jour contre 2,6), mais l’analyse du cycle de vie sur sept ans révèle que le bilan carbone n’est que 50 % supérieur pour le panneau digital, avec une capacité de diffusion bien supérieure, ce qui démontre tout l’intérêt d’analyser les choses dans leur contexte d’utilisation. Si on remplaçait les 1600 panneaux déroulants de 2 m2 de la capitale par moitié moins de panneaux digitaux, on améliorerait le bilan carbone de 23 %. Ces résultats font partie des éléments actuellement pris en compte dans la révision du RLP de Paris. Le numérique est parfois décrié, mais je pense qu’il va continuer de s’imposer grâce à son rôle d’information. À Paris, nous avons déployé 160 journaux électroniques d’information (JEI) à la sortie des bouches de métro, pour communiquer en direction des usagers en temps réel : cela fait trois ans déjà et il n’y a eu aucune levée de bouclier.

    ARTCHANTIERS : LA COMMUNICATION À HAUTEUR D’HOMME

    ©Artchantiers

    À la croisée de l’information, de l’utilité et de la création artistique, la société Artchantiers pratique une communication de chantier à forte valeur ajoutée. Dès son lancement en 1986, Geneviève Beuchon et Anne Le Breton ont eu à cœur de proposer des habillages grand format qui limitent les nuisances visuelles des chantiers. « Cela fait écho à l’évolution des attentes des maîtres d’ouvrage pour des habillages de chantier communicants qui soient non seulement agréables à vivre et à regarder, mais qui privilégient aussi une forme générosité en direction du public », explique Anne Le Breton. La recherche esthétique initiale s’est en effet doublée, au fil du temps, d’une volonté de réappropriation de la ville par ses habitants. Ainsi, Artchantiers a inventé le concept des « palissades à vivre », à voir notamment à Boulogne-Billancourt sur le chantier du futur siège de BNP Paris Real Estate. Ici, la palissade n’enferme pas le chantier, mais l’ouvre au contraire sur la ville, grâce à des alcôves où les piétons peuvent se reposer, s’abriter et même écouter une histoire sortie des murs grâce à un système sonore très peu intrusif, puisque le son est porté par une mise en vibration de la matière et se déclenche au toucher. Le projet se veut aussi pédagogique, donnant à voir l’environnement du passé (les usines Renault) et celui du futur (le projet du futur siège BNP). Une communication qui se démarque de toute forme de « réclame » et affiche une sobriété énergétique maximale.

    Dans la même veine, les « bancs à histoires », nouvelle innovation d’Artchantiers, sont des mobiliers urbains communicants, modulables, rapides à monter et réutilisables. Installés dans des espaces en transition, ces bancs racontent la ville de façon visuelle et sonore, tout en offrant des espaces de détente temporaires aux habitants. « Une solution ludique et innovante qui permet aux maîtres d’ouvrage de remplir leur devoir d’information vis-à-vis des riverains d’un chantier », résume Anne Le Breton.

    AVEC VIOOH, JCDECAUX LANCE L’ACHAT PROGRAMMATIQUE EN FRANCE

    Déjà déployée dans 13 pays depuis 2018, VIOOH, la plateformeprogrammatique deplanningetdetradinginitiée par JCDecaux, sera lancée en France d’ici la fin de l’étédans les univers mobilier urbain et points de vente, puis les aéroports. Dès lors, les espaces d’affichage digital du groupe seront accessibles aux annonceurs viacette place de marché indépendanteetautomatisée, selon un mode de commercialisation déjà connu dans l’univers de la publicité online. « C’est une nouvelle façon de mettre en relation les annonceurs avec les offres digitales de l’entreprise, tout en apportant une réponse innovante à leurs attentes en termes d’efficacité, de transparence et de protection de la marque, résume Alban Duron, directeur marketing France chez JCDecaux. On entre dans une logique de trading en temps réel, qui apporte dans le média outdoor une flexibilité d’achat inédite, tout en incluant la possibilité d’une synergie entre l’écran numérique extérieur et celui du mobile ».

    Journaliste diplômée de l’ESJ Paris, Céline Collot travaille depuis plus de 20 ans en presse professionnelle, ainsi que dans la communication éditoriale et la production de contenu pour les entreprises et les collectivités. Ses domaines d’expertise couvrent un large spectre : arts graphiques et communication visuelle, industrie, santé, éducation, logement social, agro-alimentaire, tourisme et patrimoine.