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Le cuir, matière à impression

L’impression numérique creuse son sillon dans la table des matières. Tanné, foulonné, piqué, retourné, le cuir s’est lui aussi laissé apprivoiser par les nouvelles technologies d’impression jet d’encre. Un savoir-faire précieux, souvent confidentiel, que se partage aujourd’hui une poignée d’experts.

« Sans complexe, les tanneurs assument le statut luxueux du cuir, avec même parfois un zest d’ostentation. Rial 1957 conjugue ainsi le transfert de film, qui apporte la brillance, à l’impression numérique par jet d’encre pour décorer un agneau ». Dans ses tendances pour le printemps-été 2020, le salon Première Vision, événement mondial des professionnels de la filière mode, présente les innovations de ses exposants. Parmi eux, plus de 300 spécialistes du cuir, sélectionnés pour leur créativité et leurs savoir-faire de qualité. Dans leurs tables des matières : de la vachette embossée croco, des finissages irisés, des laminés effet miroir et des peaux recouvertes « d’une impression numérique d’une précision confondante ».

Apprécié par le monde de la mode, le cuir a toujours aimé être travaillé. Apprécié pour son toucher et son aspect, il n’en séduit pas moins lorsqu’il est ennobli. Les solutions de finition sont multiples. Technique ancestrale d’impression sur de nombreux supports, la sérigraphie fait des merveilles sur le cuir, sur peau comme sur poils, mais elle nécessite une mise en œuvre importante. Le transfert et le couplage sont deux autres techniques de personnalisation bien connues des tanneurs. La première consiste à imprimer du cuir en y transférant, dans des conditions de pression et de chaleur particulières, à l’aide de plaques ou de cylindres, un décor porté par un film. La seconde permet d’associer le cuir avec un second matériau recouvrant partiellement sa surface. Le couplage avec un tissu ajouré, tel qu’une dentelle ou une résille, crée ainsi un décor en surface du cuir sans le dénaturer. La marqueterie de cuir et l’aiguilletage font également partie des savoir-faire des métiers du secteur.

 

« Les grandes marques du luxe ont très vite compris le potentiel de la technologie jet d’encre pour le lancement de petites séries, mais aussi pour la production de pièces uniques pour les défilés », François Lebas, expert et responsable des marchés industriels chez Epson France

 

© Epson

 

CUIR ET IMPRESSION NUMÉRIQUE : LE DUO GAGNANT DU LUXE

Plus récente, l’impression numérique est une nouvelle voie pour décorer le cuir. Par la technique du jet d’encre, elle permet de reproduire sur une peau un visuel numérisé. « En comparaison avec les autres méthodes, l’impression numérique présente de solides avantages. L’encre rentre dans la matière et ne forme pas de pelliculage en surface. La durabilité de l’impression est donc meilleure et le toucher du cuir n’est pas modifié. Non plus que son odeur, grâce à la qualité des encres employées. L’impression numérique est un travail peau par peau, qui permet de personnaliser chaque spécimen, de façon placée ou en all over, même sur de grands formats. Par rapport au transfert, le jet d’encre a pour lui de ne pas endommager le cuir par un chauffage intensif qui le raidit considérablement », indiquent les experts du salon Première Vision.

Impossible de les citer, clauses de confidentialité obligent, mais aujourd’hui ce sont surtout les plus grandes maisons du luxe qui se passionnent pour cette technologie. Le cuir est de toutes les saisons et de toutes les collections. Haute couture, prêt-à-porter haut de gamme, maroquinerie, etc. Pays leader dans le travail du cuir, avec plus de 1200 entreprises spécialisées, l’Italie concentre une grande partie des savoir-faire et génère 65 % du chiffre d’affaires du secteur. « Le luxe est un acteur majeur de la démocratisation de la technologie jet d’encre en Italie. Les grandes marques ont très vite compris tout le potentiel de cette technologie pour le lancement de petites séries, mais aussi pour la production de pièces uniques pour les défilés », confirme François Lebas, expert et responsable des marchés industriels chez Epson France.

 

DES ÉQUIPEMENTS DE PLUS EN PLUS SPÉCIFIQUES

Le constructeur, qui a racheté le fabricant italien de machines Robustelli en 2016 pour accélérer le développement de ses machines d’impression textile jet d’encre, est aujourd’hui bien implanté dans la Péninsule. Sa presse Monna Lisa, construite par Robustelli et dotée d’encres Epson, s’est imposée sur le marché. « Aujourd’hui, plus de 500 Monna Lisa sont installées dans le monde, dont 300 en Italie et 280 rien qu’à Côme (ville de production des machines Robustelli, ndlr). L’impression textile y est majoritaire, mais le cuir est en plein développement, avec une dizaine de machines dédiées dans la région de Florence et de Pise, souligne François Lebas. Les utilisateurs sont majoritairement des tanneurs, comme Samanta, Newlorima ou Conceria Thule, mais il existe aussi des imprimeurs spécialisés, comme Argo et Impres ».

D’autres constructeurs se positionnent également sur ce marché, avec des solutions différentes. Le constructeur suisse swissQprint confie avoir installé l’une de ses machines dans les ateliers d’un grand groupe de luxe. « Pour l’impression sur cuir, nous avons développé une encre UV spécifique qui est particulièrement adhésive, souple et flexible, ce qui nous permet de garantir une bonne tenue des encres et une bonne résistance à l’usure, sans altérer la texture naturelle des cuirs », indique Alain Greiner, président de swissQprint France.

 

Cuir imprimé sur une machine swissQprint par Enrico Ricci, en Italie

 

 

 

En février dernier, Agfa a, de son côté, annoncé le lancement de sa solution Alussa, développée en partenariat avec le chimiste TFL. « L’impression d’images sur du cuir, au moyen de la technologie jet d’encre et l’obtention de performances de pointe en termes de flexibilité et de résistance à l’usure, est un défi complexe », confie Tom Cloots, directeur du département Impression jet d’encre industriel chez Agfa. L’idée du constructeur est de concevoir une machine capable d’associer à la fois son expertise de l’impression jet d’encre, du flux graphique et de la gestion des couleurs, aux connaissances approfondies de TFL en matière de chimie et des techniques d’application des revêtements.

 

« On ne sort pas des centaines de m2 par heure, mais des pièces uniques qui, à chaque fois, nous ont demandé énormément de développements et de tests en amont », Charlotte Cazal, co-fondatrice de La Maison Demeure

 

© Maison Demeure

 

UN VRAI BESOIN D’EXPERTISE

Pour développer sa solution, Agfa a choisi un bêta-testeur de premier choix : La Maison Demeure. Fondée en 2013, la manufacture roubaisienne s’est tournée vers l’impression numérique sur cuir il y a un peu plus de cinq ans. Elle s’en est même fait une spécialité après avoir présenté ses premiers essais sur le salon Première Vision de 2016. Sa fondatrice et co-dirigeante, Charlotte Cazal, fait autorité en la matière. De son atelier de 1600 m2 sortent une multitude de cuirs imprimés et travaillés, des pièces uniques qu’elle conçoit dans le plus grand secret, avec son équipe de dix personnes.

Charlotte Cazal a commencé son aventure avec seulement quelques sous en poche, mais une volonté de « faire » incroyable. Aujourd’hui, suite à l’entrée au capital de deux fonds d’investissement, elle creuse son sillon dans un secteur où la concurrence, italienne notamment, est rude. Elle a pour elle un réseau de partenaires qualifiés, une expérience et une expertise uniques, accumulées au fil des ans, qui lui permettent de répondre à des demandes extrêmement complexes et de continuer à travailler avec les plus grandes marques. Elle, qui a essuyé les plâtres, sait que pour réussir une impression sur cuir, il faut plus qu’une bonne machine. D’où l’importance de son regard et de ses retours d’expérience pour Agfa.

 

© Agfa

 

L’INGÉNIERIE : CLÉ DE LA RÉUSSITE

Pour elle, le développement de ces nouvelles solutions industrielles d’impression sur cuir est un signe positif pour le marché. « Ce n’est pas tous les jours qu’un fabricant décide d’investir dans une solution dédiée, surtout dans le domaine du cuir, qui demeure une matière extrêmement complexe à travailler », tient-elle à souligner. L’effort est d’autant plus louable que le cuir est un secteur qui n’a rien à voir avec les autres segments des métiers de l’impression. « Le business model de notre activité est en effet radicalement différent. L’exigence de qualité est telle qu’on ne peut pas parler de productivité dans notre cas. On ne sort pas des centaines de m2 par heure, mais des pièces uniques qui, à chaque fois, nous ont demandé énormément de développements et de tests en amont. L’ingénierie est la clé de la réussite dans notre métier », prévient Charlotte Cazal.

 

© Carole Desheulles

Cécile Jarry est journaliste, rédactrice en chef d'IC Le Mag, le magazine des industries graphiques et créatives édité par Infopro Digital Trade Shows.