Ils sont rares ceux qui, aujourd’hui, sont capables de sublimer une matière en combinant à la fois du marquage à chaud, du débossage, du letterpress et de la dorure. Romain Recoura est de ceux-là. Héritier d’une longue tradition familiale et d’une histoire séculaire, il est la pépite de l’atelier Bouquet Crozat, créé en 1866 à Lyon.

On pourrait passer sur le trottoir sans même l’apercevoir. Installé au 38 rue Pierre Corneille dans le VIe arrondissement de Lyon, l’atelier Bouquet-Crozat se fond littéralement dans le décor. Une enseigne d’un autre âge, des fenêtres hautes, opaques et obstruées par des barreaux… difficile d’imaginer que derrière cette façade poussiéreuse se cache une véritable pépite française.

C’est en 1866 exactement que Messieurs Bouquet et Crozat inaugurent leur atelier. Historiquement spécialisé dans la reliure, il se développe, génération après génération, autour de la dorure à chaud, du gaufrage, de l’estampage et du letterpress. Un savoir-faire méticuleux et une passion intacte animent les lieux qui accueillent jusqu’à 40 employés.

Un âge d’or qui n’existe plus aujourd’hui. Cent cinquante plus tard, le monde a effectivement changé, mais Bouquet Crozat est toujours là. À sa tête, Romain Recoura perpétue la tradition et maintient intacts les savoir-faire. Il a repris l’entreprise en 2008, à la suite de son oncle et de ses parents. Formé en tant qu’apprenti, il est aujourd’hui artisan doreur et associé gérant de l’atelier.

« Certaines machines n’ont pas changé de place depuis 150 ans mais sont utilisées quotidiennement », prévient-il. « Les presses Heidelberg de l’atelier tournent quant à elles depuis les années 1960 ».

Un véritable trésor car ces presses ne sont évidemment plus fabriquées. Romain en connaît chaque rouage, chaque boulon, et sait, mieux que personne, les régler au millimètre près pour relever les défis créatifs de ses clients, entreprises, agences, galeries d’art, ainsi que quelques particuliers avertis qui aiment le bel ouvrage.

En mai dernier, l’atelier a inauguré un nouveau chapitre de son histoire séculaire avec l’arrivée de Jane Fiori et Nicolas Guillemot en tant qu’associés. Les deux experts en communication digitale sont les co-fondateurs de l’agence lyonnaise White Mirror. En 2013, Nicolas Guillemot avait également créé la marque de papeterie haut de gamme Le Papier fait de la résistance, revendue depuis aux éditions Leduc (groupe Albin Michel). Leur ambition est de redonner du souffle à l’entreprise. D’ouvrir ses portes pour donner à voir ce qui se trame dans le secret de ses murs.

Christine Llamas-Crapiz a été pendant quatre ans responsable collaboration et production au sein du Papier fait de la résistance. Elle a également rejoint l’équipe en tant que responsable développement. Ensemble, avec Romain, ils veulent continuer à faire vivre cette belle histoire. « Bouquet Crozat a cette chance d’avoir su préserver ses savoir-faire. L’atelier intervient certes sur un marché de niche mais son expertise est immense. Romain sait tirer le meilleur de chaque presse pour un résultat unique. Il n’a pas son pareil pour sublimer une matière », confie Jane Fiori.