Àl’image des industries graphiques aujourd’hui en pleine transformation, la nouvelle école inaugurée à Strasbourg en 2022 propose une approche renouvelée de l’enseignement en mixant les publics et en misant à la fois sur l’apprentissage théorique et l’open innovation.
Fabéon, c’est un peu la Station F des industries graphiques. Un lieu ouvert et effervescent où étudiants, responsables innovations, industriels et jeunes startupers phosphorent pour imaginer les métiers de demain.
Fondée par deux personnalités du secteur des industries graphiques, Joseph Mergui, le fondateur de Caldera, et Frédéric Soulier, ancien directeur général de Caldera et responsable innovation de MGI, la nouvelle école a reçu le soutien de la région Grand Est, de Bpifrance et de plusieurs fabricants. Le montant de l’investissement s’élève à 5,5 millions d’euros.
UN BACHELOR DIGITAL PRINTING
« Fabéon est bien plus qu’une école. C’est un écosystème conçu pour accompagner la transformation numérique et environnementale des métiers de l’impression. C’est un Campus, qui forme aux métiers de demain en adressant toutes les professions de l’impression numérique, un Incubateur de startups qui planchent sur des sujets d’innovation portés par des partenaires industriels, et une Micro Factory qui permet de mutualiser des outils de production avec tous nos publics », précise Frédéric Soulier, le directeur général et responsable de formation de Fabéon.
La structure a ouvert ses portes en septembre dernier avec une première formation en alternance sur douze mois. Le Bachelor digital printing prépare aux différents métiers de l’impression numérique 2D et 3D. De l’exploration de la chaîne graphique à la connaissance des flux numériques en passant par la gestion de la couleur et l’impression 3D, le programme est dense, avec 423 heures de formation, à raison d’une semaine en centre de formation et trois semaines en entreprise. Un module Masterclass de 42 heures aiguise l’expertise industrielle des étudiants avec des intervenants issus de différents secteurs — arts graphiques, étiquette, packaging, textile et workflows—. La formation est accessible au contrat d’apprentissage, au contrat de professionnalisation ou après un parcours de formation continue.
À la rentrée 2023, un nouveau diplôme de technicien supérieur en fabrication additive sera proposé. Les prérequis sont un niveau Bac ou Bac+1. Prévue sur deux ans, la formation permettra aux diplômés d’exercer dans de nombreux secteurs d’activité tels que l’aéronautique spatial, l’armement, l’automobile, l’industrie du luxe, le secteur médical, la plasturgie ou encore le sport.
« Les problématiques de nos métiers sont aujourd’hui très diverses. Au sein de notre Micro Factory, nous avons des lignes de production pour le textile, mais nous travaillons aussi sur du papier et différents supports grand format pour de la communication visuelle. Nous avons également de l’impression 3D en petit et grand format. Tous ces outils nous donnent la possibilité de montrer à nos apprenants la réalité du terrain des industries graphiques, mais aussi toutes les possibilités offertes par ces nouvelles technologies pour d’autres industries », poursuit Frédéric Soulier.
Conçus par la directrice artistique Lindsay Stachetti, le nouveau logo et la nouvelle charte graphique de Fabéon incorporent des formes géométriques et des lignes pour évoquer la 3D et les nouvelles technologies. La gamme couleur incarne les quatre département de l’école : orange pour la marque Fabéon, jaune pour la Smart factory, bleu pour le Campus, et mauve pour l’Incubateur.
AU-DELÀ DES MÉTIERS DE L’IMPRESSION
Pour sa première promotion, Fabéon a pu compter sur 12 étudiants, âgés de 19 ans à 47 ans. Pour la rentrée 2023, elle en attend 40 et espère passer à 70 en 2025. « Notre ADN est dans les industries graphiques, mais nous nous apercevons que d’autres secteurs sont intéressés par nos process de production. Savoir gérer un flux d’impression, c’est savoir gérer des flux d’informations extrêmement complexes. Beaucoup d’industries, à la faveur de la relocalisation, cherchent à optimiser leur production via de l’automatisation. Notre expertise dans ce domaine est ce titre extrêmement précieuse pour elles », s’enthousiasme Frédéric Soulier, confiant quant à l’attractivité du secteur auprès des étudiants.
Quand on lui oppose que sur le terrain, le tableau est beaucoup moins idyllique, avec un secteur qui souffre d’un réel déficit d’image et des métiers en tension, il convient que beaucoup de préjugés restent à lever, mais qu’il faut aussi savoir avancer les bons arguments pour convaincre les jeunes générations. « La transformation numérique des entreprises est aujourd’hui le bras armé de la transformation environnementale de l’industrie. Ce n’est pas Fabéon qui le dit, c’est un fait. Pour les étudiants, s’engager sur cette voie présente un attrait évident » poursuit le responsable.
UN TIERS-LIEU OUVERT AUX INDUSTRIELS
La Micro Factory de l’école se déploie sur 400 m2. Plusieurs machines y sont en production, parmi les dernières du marché. L’impression 2D s’organise autour d’un pôle d’impression textile, d’impression de supports de communication grand format et d’emballages haut de gamme. On reconnaît des solutions Zünd, Epson, D-Gen, etc. L’impression 3D est incarnée par une imposante Massivit qui offre la possibilité d’imprimer des objets de 1,80 m de haut sur 1,45 m de large, pour 1,11 m de profondeur.
Dans l’unité textile, Franck Zusatz, le directeur de l’atelier, teste des impressions sur des matières naturelles à base de lin, de chanvre et d’ortie. « Les marques de mode veulent désormais pouvoir imprimer des matières naturelles made in France », explique le responsable. « Grâce à nos compétences croisées, nous sommes heureux de pouvoir accompagner ce mouvement dont l’objectif est la relocalisation de la production textile en France. Pour nos étudiants, ce sont des projets extrêmement motivants ».
Véritable tiers-lieu dédié à l’innovation, la Micro Factory est un espace ouvert aux étudiants, aux responsables R&D et aux industriels. « Cette mutualisation des équipements et des compétences est au cœur de la stratégie de Fabéon dont l’objectif est d’aider à l’amorce de nouveaux marchés », confirme Frédéric Soulier.
« La transformation numérique des entreprises est aujourd’hui le bras armé de la transformation environnementale de l’industrie. Ce n’est pas Fabéon qui le dit, c’est un fait. Pour les étudiants, s’engager sur cette voie présente un attrait évident. »
Frédéric Soulier, directeur général de Fabéon
FERTILISATION CROISÉE
En novembre 2022, Fabéon a participé à l’Hacking Industry Camp (HIC), le rendez-vous majeur de l’innovation en Alsace. Au terme de la compétition, trois projets autour du monde de l’impression se sont détachés, dont un qui a eu le premier prix. Dédié au monde de l’enseigne, il présentait une solution innovante autour de la fabrication additive. « Ce projet est un bel exemple de la fertilisation croisée que nous prônons à l’école car il a mobilisé un professionnel du secteur, une start-up de notre incubateur et toutes les forces vives de l’école. Aujourd’hui, le projet a permis la création d’un premier Proof of Concept, qui a été présenté sur le salon C!Print en février 2023 », explique Frédéric Soulier.
« Tout est allé très vite, témoigne Ludovic Wendling, le dirigeant de Wendling Adhésifs et Équipements et de l’entité Phoenix Signs qui porte le projet. Tout a commencé par une rencontre avec l’équipe de Fabéon lors de l’événement Bizz&Buzz. Nous avons parlé de mon idée et ils m’ont orienté vers la start-up 2:am software pour découvrir sa solution, solution dans laquelle j’ai décidé d’investir. Puis il y a eu le HIC qui a concrétisé encore davantage le projet », poursuit le responsable.
Nouvelle marque dans le monde de l’enseigne, Phoenix Signs a pour objectif de proposer au marché une solution métier pour imprimer une enseigne d’une seule et même pièce via un process de fabrication entièrement automatisé. « Dans le domaine de la fabrication additive, l’enjeu concerne surtout l’amont et la mise en conformité des fichiers. La solution que nous proposons ne changera pas la façon de travailler de l’enseigniste dans la mesure où il pourra utiliser un simple fichier vectoriel pour réaliser son impression 3D. Grâce à la solution développée par 2:am software, tout le travail de fichier se fera automatiquement. Aucune connaissance en modélisation et impression 3D ne sera nécessaire pour faire tourner notre solution, les connaissances actuelles du métier d’enseigniste suffiront pour maîtriser cette nouvelle méthode de fabrication », indique Ludovic Wendling, dont la première machine made in Alsace devrait être présentée au marché en septembre prochain.
Dans l’incubateur de l’école, plusieurs start-ups s’activent dont le MGI Labs, qui fait partie intégrante du groupe MGI Digital Technology, leader mondial des presses numériques dédiées à l’ennoblissement. À suivre aussi, AI4Print. Issue d’un partenariat entre Fabéon et l’école Simplon, cette start-up est dédiée à la recherche et la mise en œuvre de solutions numériques basées sur l’IA pour résoudre les problématiques des acteurs industriels de l’impression 2D ou 3D.