Packaging durable : les marques concrétisent !
Le packaging de demain devra être sain, durable, écologiquement performant… La plupart des entreprises sont aujourd’hui conscientes de cette nécessité. Elles ont même compris qu’elles pouvaient en faire un avantage concurrentiel. Mais au-delà des discours d’intention, comment les marques s’emparent-elles de cette problématique ? Plusieurs réponses sont possibles.
Des objets en plastique qui étouffent ou entravent la faune marine, des poissons qui meurent contaminés par l’ingestion de micro-plastiques… Nous avons tous en tête ces images illustrant le fléau des déchets plastiques dans les océans. Elles ont contribué à pousser les états à réglementer et les entreprises à changer leurs pratiques, pour réduire l’utilisation de cette matière. Pailles, cotons-tiges, touillettes, mais aussi sacs en plastique à usage unique et emballages… Ces mêmes emballages qui, dans bien des secteurs, sont pourtant indispensables pour transporter, protéger et mettre en valeur le produit. Reste alors à les rendre moins nocifs pour l’environnement.
Les qualités écologiques des packagings sont devenues des facteurs clés dans l’acte d’achat. L’institut Toluna a récemment mené une enquête, pour le compte de l’organisme Two Sides (1), qui analyse les préférences, perceptions et comportements des consommateurs européens à l’égard des emballages. Elle révèle la volonté de faire des achats de manière plus durable : 44 % des consommateurs interrogés se disent ainsi prêts à dépenser plus pour des produits emballés dans des matériaux durables et 48 % envisageraient d’éviter une enseigne s’ils estiment que celle-ci n’en fait pas assez pour réduire son utilisation d’emballages non recyclables. Les marques ne peuvent donc plus faire l’économie de ces réflexions pour satisfaire les nouvelles attentes des consommateurs, qui se détournent peu à peu des packagings traditionnels pour privilégier des emballages écologiques, voire pas d’emballage du tout, comme en témoigne le succès croissant de la vente en vrac.
RÉDUIRE, RECYCLER, RÉUTILISER
Quant à donner une définition de l’écoconception… tout est une question d’angle ! Schématiquement, un emballage éco-conçu cherche à minimiser son impact sur l’environnement et à prioriser sa revalorisation. Mais, pour ce faire, un grand nombre d’aspects peuvent entrer en ligne de compte : les matériaux qui le composent, l’énergie et les technologies utilisées pour sa fabrication, les conditions de production et de transport, sa fin de vie… Raison pour laquelle il est impossible de comparer les qualités écologiques de deux packagings – par exemple l’un en plastique recyclé et l’autre en verre – sans avoir une vision globale de leur cycle de vie. On pourrait ainsi rapprocher la plupart des initiatives des marques en matière de packaging durable de l’un ou l’autre des fameux « 3R », popularisés par le mouvement « zéro déchet » à travers le monde : réduire, recycler, réutiliser.
« Réduire » au juste nécessaire semble la première étape obligée. Cela passe d’abord par une recherche d’optimisation, à l’image de ces cavaliers autour des packs de yaourts, dont la taille tend à se réduire. Certains designers poussent encore plus loin cette logique de chasse au superflu, comme Randy Chan avec sa lampe Flicker : une fois réunis, le contenant en carton et son contenu (ampoule et fil) forment le luminaire et rien n’est jeté.
« Recycler » peut s’entendre de deux façons : être recyclable ou être fabriqué à partir de matériaux recyclés. Sans conteste, la recyclabilité s’impose comme le premier critère de durabilité. Selon l’enquête de l’institut Toluna précitée, le papier/carton est identifié comme le matériau d’emballage le plus recyclé (considéré comme meilleur pour l’environnement pour 62 % des sondés), suivi par le verre (également cité pour sa possible réutilisation par 55 % d’entre eux), puis le métal. McDonald’s, Nike, Coca-Cola, Nestlé, L’Oréal… tous les grands groupes s’engagent désormais à privilégier les matériaux recyclés et/ou recyclables pour leurs emballages. Coca-Cola a même dévoilé, en 2019, un prototype de bouteille composée pour 25 % de déchets plastiques marins collectés en Méditerranée, puis recyclés. Véritable prouesse technique, ce projet unique, baptisé Mares Circulares et mené en Espagne et au Portugal, a été conduit en partenariat avec Ioniqa Technologies et Indorama Ventures. Quelque 300 exemplaires de ces bouteilles ont été fabriqués : un volume plus qu’anecdotique au regard de la production globale de la firme, mais la technologie n’en est pas moins prometteuse…
DES INITIATIVES MADE IN FRANCE
En France, le groupe picard MOM (Materne, Mont-Blanc) a annoncé début janvier que les compotes en gourdes de sa marque Pom’Potes seront entièrement composées de polyéthylène (PE) à compter de 2022, bouchon compris, ce qui les rendra totalement recyclables. Trois ans de R&D et deux ans de déploiement sur les lignes de production auront été nécessaires pour remplacer les actuels films tri-couches de ces gourdes (PET, aluminium et PE).
Signalons aussi l’emballage « Cycle Pack » du fabricant français Malengé Packaging, lauréat 2019 du Circular Challenge organisé par Citéo (2). Composé de 97 % de fibres de cellulose et de 3 % de film barrière, il est conçu pour le conditionnement de produits alimentaires secs. Il a notamment séduit la jeune entreprise Les Fabuleuses, qui commercialise des encas sains et vegan et a décidé, début 2020, de remplacer tous ses sachets en plastique par cette solution 100 % recyclable.
A défaut de pouvoir proposer un packaging mono-matériau et recyclable, permettre une séparation facile des différents éléments du pack est une autre façon de garantir le tri, donc le recyclage des matériaux en fin de vie. C’est l’option prise par Virgin Bio Pack et Cartoffset, qui ont créé conjointement la gamme Hybric®, des barquettes en carton compact qui diminuent considérablement la part de matière plastique par rapport à une barquette traditionnelle (lire pages 40-41).
44 %
C’est la proportion de consommateurs qui se disent ainsi prêts à dépenser plus pour des produits emballés dans des matériaux durables, selon une étude de l’institut Toluna, pour le compte de l’organisme Two Sides. 48 % envisageraient même d’éviter une enseigne s’ils estiment que celle-ci n’en fait pas assez pour réduire son utilisation d’emballages non recyclables.
COTE EN HAUSSE POUR LE CARTON
Dans leur volonté de réduire leur dépendance aux ressources non renouvelables, plusieurs marques s’intéressent également à l’innovation du côté des matériaux. Néo et bio-plastiques (à base d’amidon de maïs, de canne à sucre…) côtoient désormais des matières inédites, complètement dépourvues de plastique, tel le Sulapac dans lequel Chanel a choisi d’investir (lire pages 36-37). En matière de papier et de carton, les fabricants innovent aussi. Exemple avec la gamme « Bio-Cycle » du papetier allemand Gmund, commercialisée en France depuis janvier 2020 par Procop. Ces papiers combinent de la cellulose vierge certifiée FSC et d’autres fibres naturelles : herbe, paille de blé, chanvre et coton (déchets issus de l’industrie textile).
Par nature, le carton offre une image de durabilité aux yeux des consommateurs. Encore faut-il qu’il ne soit pas associé à d’autres matériaux qui remettent en cause sa recyclabilité ! Une brique de lait en carton sans aluminium : c’est l’innovation mise au point par le fabricant SIG Combibloc et testée par la marque Candia depuis juillet 2019. Techniquement, c’est une reformulation de la couche plastique à l’intérieur de la brique qui a permis la suppression du métal. La nouvelle brique n’utilise que des matériaux biosourcés (du plastique d’origine végétale) ou recyclés. Exit également le film qui entoure les packs : les briques sont présentées dans un suremballage carton recyclé et recyclable.
Autre stratégie avec L’Oréal, qui ne se contente pas de miser sur le plastique recyclé, mais fait aussi sa révolution de carton. En attendant ses premières applications avec la Paper Bottle de Paboco (lire pages 30-31), le groupe innove aussi avec le fabricant de packaging Albéa. Ensemble, ils ont mis au point un premier tube cosmétique partiellement composé de carton pour le lait solaire Anthélios de la marque La Roche-Posay. Un packaging éco-responsable qui utilise 45 % de plastique en moins par rapport à des solutions équivalentes et qui constitue une avancée technologique de rupture pour le marché de la cosmétique.
« Le packaging a largement fait sa mue, en devenant un véritable portail numérique. En scannant un code barre ou simplement une image, les consommateurs accèdent à toutes sortes d’informations, qu’elles soient délivrées par les marques elles-mêmes ou la communauté des utilisateurs »,
Antoine Tesquier-Tedeschi, cofondateur de la solution MyPack
MULTI-USAGE ET DIGITALISÉ
Et quid du troisième « R » : réutiliser ? Autrement dit, l’approche qui consiste à faire du packaging un objet durable plutôt que jetable. L’emballage utile, c’est d’abord celui que l’on peut remplir à nouveau. L’Occitane, qui fait partie des précurseurs des produits cosmétiques rechargeables, teste depuis juin 2019 un concept de « fontaine à gel douche » dans trois de ses points de vente en France, en Allemagne et en Espagne. Une expérience que la marque ambitionne d’élargir prochainement sur 30 à 50 points de vente au niveau international.
Donner au pack un second usage permet aussi d’en faire un objet que l’on a envie de conserver. La tendance n’est pas nouvelle, si on pense par exemple aux pots de confiture en verre ou encore aux boîtes de biscuits en fer blanc, réutilisées dans bien des foyers. Ces dernières années, plusieurs marques ont recherché l’originalité en la matière : une boîte à chaussures qui se transforme en sac chez Puma, une boîte Pizza Hut qui devient vidéoprojecteur, ou encore l’initiative de la marque britannique de vêtements pour enfants Monday’s Child, qui expédie ses produits dans des cartons personnalisés qui font office de maisons de poupée. Au-delà de ces coups marketing plus ou moins réussis, l’hyperpersonnalisation des packagings, facilitée par les technologies de l’impression numérique, est une autre façon de les rendre plus durables. En effet, les consommateurs ont certainement été plus enclins à garder le pot de Nutella ou la bouteille de Coca-Cola affichant leur prénom ou un message personnalisé.
Enfin, même s’il ne rend pas les emballages plus écologiques intrinsèquement, le digital peut aussi apporter son obole à une conception plus vertueuse du packaging. Traçabilité des produits, composition : grâce aux QR codes, à la reconnaissance visuelle et à la réalité augmentée, le packaging digitalisé participe à une information éclairée du consommateur et permet à certaines marques de se positionner sur des stratégies tournées vers la transparence et l’éthique. Interviewé l’an dernier par IC Le Mag, Antoine Tesquier-Tedeschi, cofondateur de la solution MyPack, affirmait déjà : « Le packaging a largement fait sa mue, en devenant un véritable portail numérique. En scannant un code barre ou simplement une image, comme avec l’application MyPack, les consommateurs accèdent à toutes sortes d’informations, qu’elles soient délivrées par les marques elles-mêmes ou la communauté des utilisateurs ». Et d’ajouter que la reconnaissance visuelle aura sans doute un rôle majeur à jouer pour permettre la mise en place de systèmes de tri « intelligents », qui scanneront les emballages en fonction de leur matière.
Céline Collot
Photo de Une : La société finlandaise Sulapac a développé un nouveau matériau destiné à l’emballage, à partir de copeaux de bois et de liants naturels. Biodégradable, cette alternative durable aux plastiques offre même des performances supérieures en matière de propriétés barrières. Parmi ses clients : la marque de luxe Chanel.
(1) Organisation sans but lucratif qui fédère les acteurs de la chaîne graphique.
(2) Entreprise spécialisée dans le recyclage des emballages ménagers et des papiers graphiques.